Ordonnance Souveraine n° 7.786 du 14 novembre 2019 relative aux règles d'exercice de la profession de sage-femme.
ALBERT II
PAR LA GRÂCE DE DIEU
PRINCE SOUVERAIN DE MONACO
Vu le Code civil ;
Vu le Code pénal ;
Vu l'Ordonnance du 29 mai 1894 sur les professions de médecin, chirurgien, dentiste, sage-femme et herboriste, modifiée ;
Vu la loi n° 1.454 du 30 octobre 2017 relative au consentement et à l'information en matière médicale ;
Vu l'Ordonnance Souveraine n° 5.640 du 14 décembre 2015 portant création d'une Direction de l'Action Sanitaire ;
Vu l'arrêté ministériel n° 2012-190 du 5 avril 2012 fixant la liste des médicaments que peuvent prescrire les sages-femmes, modifié ;
Vu l'arrêté ministériel n° 2019-810 du 19 septembre 2019 fixant les modalités d'exercice de la profession de sage-femme ;
Vu l'arrêté ministériel n° 2019-811 du 19 septembre 2019 fixant la liste des vaccinations que les sages-femmes sont autorisées à pratiquer ;
Vu l'avis du Comité de la Santé Publique en date du 15 octobre 2019 ;
Vu la délibération du Conseil de Gouvernement en date du 6 novembre 2019 qui Nous a été communiquée par Notre Ministre d'État ;
Avons Ordonné et Ordonnons :
Article Premier.
Les dispositions de la présente ordonnance s'imposent aux sages-femmes exerçant régulièrement leur profession et, le cas échéant, à celles demandant la délivrance d'une autorisation d'exercer.
Leur méconnaissance par toute sage-femme l'expose à une décision de suspension ou d'abrogation de son autorisation d'exercer ou, le cas échéant, à une décision de refus d'autorisation.
CHAPITRE I
DES DEVOIRS GÉNÉRAUX DES SAGES-FEMMES
Art. 2.
La sage-femme, au service de l'individu et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité.
Le respect dû à la personne ne cesse pas de s'imposer après la mort.
Art. 3.
La sage-femme prête son concours à l'action entreprise par les autorités compétentes en vue de la protection de la santé.
Section I
De l'indépendance professionnelle
Art. 4.
La sage-femme ne peut aliéner son indépendance professionnelle de quelque façon et sous quelque forme que ce soit.
La rémunération de la sage-femme ne peut être fondée sur des normes de productivité, de rendement horaire ou sur tout autre critère qui auraient pour conséquence une limitation ou un abandon de son indépendance professionnelle ou une atteinte à la qualité des soins.
Art. 5.
La sage-femme est libre dans ses prescriptions dans les limites fixées par l'article 6 de l'Ordonnance du 29 mai 1894, modifiée, susvisée.
Elle limite ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l'efficacité des soins.
Art. 6.
Sauf circonstances exceptionnelles, la sage-femme ne peut effectuer des actes, donner des soins ou formuler des prescriptions dans les domaines qui dépassent sa compétence professionnelle, son expérience et les moyens dont elle dispose.
Art. 7.
Conformément aux dispositions de l'article 248 du Code pénal, aucune sage-femme n'est tenue de concourir à une interruption de grossesse.
Section II
De l'exercice personnel
Art. 8.
La sage-femme exerce personnellement sa profession.
Art. 9.
Conformément à l'article 8 de l'Ordonnance du 29 mai 1894, modifiée, susvisée, il est interdit d'exercer la profession de sage-femme sous un pseudonyme.
La sage-femme qui se sert d'un pseudonyme pour des activités se rattachant à sa profession en fait la déclaration au Directeur de l'Action Sanitaire.
Art. 10.
La sage-femme s'oppose à toute signature par un autre praticien des actes effectués par elle-même.
Art. 11.
L'exercice de la profession de sage-femme comporte normalement l'établissement par la sage-femme, conformément aux constatations qu'elle est en mesure de faire dans l'exercice de sa profession, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par la législation ou la réglementation en vigueur.
Tout certificat, prescription, attestation ou document délivré par une sage-femme est rédigé lisiblement en langue française et daté, permet l'identification de cette sage-femme et est signé par elle.
Section III
Du respect des valeurs de la profession
Art. 12.
En toutes circonstances, la sage-femme respecte les principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l'exercice de la profession de sage-femme.
Art. 13.
La sage-femme s'abstient, même en dehors de l'exercice de sa profession, de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci.
Elle ne peut exercer une autre activité que si un tel cumul est compatible avec la dignité professionnelle ou n'est pas interdit par la législation ou la réglementation en vigueur.
Il est interdit à la sage-femme d'exercer une autre profession qui lui permette de retirer un profit de ses prescriptions ou de conseils ayant un caractère professionnel.
Art. 14.
La sage-femme qui remplit un mandat politique ou électif ou une fonction administrative ne peut en user à des fins professionnelles pour accroître sa patientèle.
Art. 15.
Tout compérage entre sages-femmes ou entre sage-femme et médecin, pharmacien, auxiliaire médical ou toute autre personne physique ou morale, même étrangère à la médecine, est interdit.
Au sens de la présente ordonnance, le compérage est l'intelligence entre deux ou plusieurs personnes en vue d'avantages obtenus au détriment de la patiente ou de tiers.
Art. 16.
Est interdite à la sage-femme toute facilité accordée à quiconque se livre à l'exercice illégal de la médecine ou de la profession de sage-femme.
Art. 17.
La sage-femme évite dans ses écrits et par ses propos toute atteinte à l'honneur de la profession ou toute publicité intéressant un tiers, un produit ou une firme quelconque et, d'une manière générale, tout ce qui est incompatible avec la dignité individuelle et professionnelle d'une sage-femme.
Elle s'abstient de fournir, même indirectement, tous renseignements susceptibles d'être utilisés à ces fins.
Art. 18.
Lorsque la sage-femme participe à une action d'information du public de caractère éducatif et sanitaire, quel qu'en soit le moyen de diffusion, elle ne fait état que de données confirmées, fait preuve de prudence et a le souci des répercussions de ses propos auprès du public. Elle se garde à cette occasion de toute attitude publicitaire soit personnelle, soit en faveur des organismes où elle exerce ou auxquels elle prête son concours, soit en faveur d'une cause qui ne soit pas d'intérêt général.
Art. 19.
Il est interdit à la sage-femme, sauf dérogation accordée dans les conditions prévues par la loi, de distribuer à des fins lucratives des remèdes, appareils ou tous autres produits présentés comme ayant un intérêt pour la santé.
Il lui est interdit de délivrer des médicaments non autorisés.
Art. 20.
Sont interdits à la sage-femme :
1) tout acte de nature à procurer à une patiente un avantage matériel injustifié ou illicite ;
2) toute ristourne en argent ou en nature faite à une patiente ;
3) toute commission à quelque personne que ce soit ;
4) en dehors des conditions fixées par la législation et la réglementation en vigueur, la sollicitation ou l'acceptation d'un avantage en nature ou en espèces sous quelque forme que ce soit, d'une façon directe ou indirecte, pour une prescription ou un acte médical quelconque.
Art. 21.
Il est interdit à une sage-femme d'établir un rapport tendancieux ou de délivrer un certificat de complaisance.
Art. 22.
Toute fraude, tout abus de cotation et toute indication inexacte des honoraires perçus et des actes effectués sont interdits à la sage-femme.
Art. 23.
Il est interdit à une sage-femme de s'attribuer abusivement, notamment dans une publication, le mérite d'une découverte scientifique.
Section IV
De la recherche
Art. 24.
La sage-femme ne peut participer à une recherche impliquant la personne humaine que dans les conditions prévues par la loi. Elle s'assure de la régularité et de la pertinence de cette recherche ainsi que de l'objectivité de ses conclusions.
La sage-femme qui participe à cette recherche en tant qu'investigateur veille à ce que sa réalisation n'altère ni la relation de confiance qui la lie à la personne se prêtant à ladite recherche, ni la continuité des soins.
Section V
Du lieu d'exercice
Art. 25.
La sage-femme dispose, au lieu de son exercice professionnel, d'une installation convenable, de locaux adéquats pour permettre le respect du secret professionnel et de moyens techniques suffisants en rapport avec la nature des actes qu'elle pratique.
Elle exerce son art dans des conditions garantissant la qualité des soins et la sécurité des personnes.
Elle veille à l'élimination des déchets provenant de l'exercice de son art conformément à la législation et à la réglementation en vigueur.
Art. 26.
La sage-femme prend les précautions nécessaires pour éviter que des personnes non autorisées puissent avoir accès aux médicaments et produits qu'elle utilise dans l'exercice de sa profession.
Section VI
De l'exercice non-commercial de la profession
Art. 27.
La profession de sage-femme ne peut être pratiquée comme un commerce.
Sont notamment interdits à la sage-femme :
1) l'exercice de sa profession dans un local auquel l'aménagement ou la signalisation donne une apparence commerciale ;
2) toute installation dans un ensemble immobilier à caractère exclusivement commercial ;
3) de donner des consultations dans des locaux ou des dépendances de locaux commerciaux où sont mis en vente des médicaments, produits ou appareils qu'elle prescrit ou qu'elle utilise ;
4) tous procédés directs ou indirects de publicité ;
5) les manifestations spectaculaires touchant à la profession de sage-femme et n'ayant pas exclusivement un but scientifique ou éducatif.
Ne constitue pas une publicité au sens du présent article, la diffusion directe ou indirecte, notamment sur un site Internet, de données informatives et objectives, qui soit présentent un caractère éducatif ou sanitaire, soit figurent parmi les indications ou informations mentionnées aux articles 32, 34 ou 66, soit sont relatives aux conditions d'accès au lieu d'exercice ou aux contacts possibles en cas d'urgence ou d'absence du professionnel. Cette diffusion d'information fait préalablement l'objet d'une communication au Directeur de l'Action Sanitaire.
Art. 28.
Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, il est interdit à toute personne ne remplissant pas les conditions requises pour l'exercice de la profession de sage-femme de recevoir, en vertu d'une convention, la totalité ou une quote-part des honoraires ou des bénéfices provenant de l'activité professionnelle d'une sage-femme.
Section VII
De la formation continue
Art. 29.
La sage-femme a le devoir d'entretenir et de perfectionner ses connaissances. Elle prend toutes dispositions nécessaires pour participer à des actions de formation continue.
La formation continue a pour objectifs l'entretien et le perfectionnement des connaissances professionnelles ainsi que l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins.
Section VIII
De l'assurance
Art. 30.
Toute sage-femme exerçant son activité à titre libéral est tenue de souscrire un contrat d'assurance responsabilité civile professionnelle.
Une copie de ce contrat est transmise au Directeur de l'Action Sanitaire.
Section IX
De la publicité
Art. 31.
La sage-femme veille à l'usage qui est fait de son nom, de sa qualité ou de ses déclarations.
Elle ne tolère pas que les personnes morales, publiques ou privées, pour lesquelles elle exerce ou auxquelles elle prête son concours utilisent à des fins publicitaires son nom ou son activité professionnelle.
Art. 32.
Les seules indications qu'une sage-femme exerçant son activité à titre libéral est autorisée à mentionner sur ses imprimés professionnels, notamment ses feuilles d'ordonnances, notes d'honoraires et cartes professionnelles sont :
1) ses nom et prénoms ;
2) ses adresses professionnelle, électronique et de site Internet ;
3) ses numéros de téléphone et de télécopie ;
4) ses jours et heures de consultation ;
5) ses diplômes, titres et fonctions reconnus par l'autorité ayant délivré son autorisation d'exercer la profession de sage-femme ;
6) ses distinctions honorifiques officielles reconnues par la Principauté de Monaco ;
7) sa situation vis-à-vis des organismes d'assurance maladie.
Art. 33.
Les seules indications concernant une sage-femme exerçant son activité à titre libéral qui peuvent figurer, à des fins professionnelles, dans les annuaires à usage du public, quel qu'en soit le support, sont celles prévues à l'article 32.
Art. 34.
Les seules indications qu'une sage-femme exerçant son activité à titre libéral est autorisée à faire figurer sur une plaque professionnelle à son lieu d'exercice sont :
1) ses nom et prénoms ;
2) son numéro de téléphone ;
3) ses jours et heures de consultation ;
4) sa situation vis-à-vis des organismes d'assurance maladie ;
5) ses diplômes, titres et fonctions reconnus par l'autorité ayant délivré son autorisation d'exercer la profession de sage-femme ;
6) l'étage où se situe son cabinet.
Une plaque peut être apposée à l'entrée de l'immeuble où se situe son cabinet et une autre à la porte dudit cabinet. Lorsque la disposition des lieux l'impose, une signalisation intermédiaire peut être prévue.
Ces indications sont présentées avec discrétion, conformément aux usages des professions médicales.
Art. 35.
Lors de son installation ou d'une modification de son exercice professionnel, telle que la fermeture ou le transfert de cabinet, la sage-femme exerçant son activité à titre libéral peut faire paraître dans la presse une annonce sans caractère publicitaire dont le texte et les modalités de publication sont préalablement communiqués au Directeur de l'Action Sanitaire.
Section X
De la communication des contrats
Art. 36.
La sage-femme exerçant son activité à titre libéral communique au Directeur de l'Action Sanitaire une copie des contrats et avenants ayant pour objet l'exercice de sa profession, ainsi qu'une copie des contrats et avenants lui assurant l'usage du matériel et du local dans lequel elle exerce ou exercera sa profession lorsqu'elle n'en est pas propriétaire.
La communication est faite dans le mois suivant la conclusion du contrat ou de l'avenant.
Les mêmes obligations s'appliquent aux contrats et avenants ayant pour objet de transmettre sous condition résolutoire la propriété du matériel et du local.
Art. 37.
Tout contrat ou avenant mentionné à l'article 36 est passé par écrit. Les dispositions du second alinéa de l'article premier ne sont pas applicables lorsque le défaut de rédaction d'un écrit n'est pas imputable à la sage-femme.
Les stipulations du contrat ou de l'avenant incompatibles avec les règles de la profession ou susceptibles de priver la sage-femme de son indépendance professionnelle peuvent entraîner une décision de suspension ou d'abrogation de l'autorisation d'exercer ou une décision de refus d'autorisation.
Une décision de suspension ou d'abrogation de l'autorisation d'exercer ne peut plus être prononcée, à raison de ces stipulations, lorsqu'un délai de six mois s'est écoulé depuis la communication du contrat ou de l'avenant.
Art. 38.
Le défaut de communication des contrats ou avenants mentionnés à l'article 36 ou, lorsqu'il est imputable à la sage-femme, le défaut de rédaction d'un écrit constitue un manquement susceptible d'entraîner une décision de suspension ou d'abrogation de l'autorisation d'exercer ou une décision de refus d'autorisation.
Il en est de même en cas de communication mensongère.
Art. 39.
Sans préjudice des dispositions des articles 36 à 38, les projets des contrats et avenants mentionnés à l'article 36 peuvent être soumis par la sage-femme au Directeur de l'Action Sanitaire qui fait connaître ses observations dans le délai de un mois.
Section XI
Des conventions et des liens avec des entreprises
Art. 40.
La sage-femme qui a des liens avec une entreprise ou un établissement produisant ou exploitant des produits de santé ou avec un organisme de conseil intervenant sur ces produits est tenue de les faire connaître au public lorsqu'elle s'exprime sur lesdits produits lors d'une manifestation publique, d'un enseignement universitaire, d'une action de formation continue ou d'éducation thérapeutique, dans la presse écrite ou audiovisuelle ou par toute publication écrite ou en ligne.
Art. 41.
Est interdit le fait, pour la sage-femme, de recevoir, sous quelque forme que ce soit, d'une façon directe ou indirecte, des intérêts ou ristournes proportionnels ou non au nombre des unités prescrites ou vendues, qu'il s'agisse de médicaments ou autres dispositifs médicaux de quelque nature qu'ils soient.
Art. 42.
Est interdit le fait, pour la sage-femme, de recevoir des avantages en nature ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, d'une façon directe ou indirecte, procurés par une entreprise assurant des prestations, produisant ou commercialisant des produits pris en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale.
Est également interdit le fait, pour cette entreprise, de proposer ou de procurer ces avantages.
Art. 43.
L'article 42 ne s'applique pas aux avantages prévus par une convention passée entre une sage-femme et une entreprise, dès lors que :
1) cette convention a pour objet explicite et but réel des activités de recherche ou d'évaluation scientifique ;
2) elle est, avant sa mise en application, soumise pour avis au Directeur de l'Action Sanitaire ;
3) elle est notifiée, lorsque les activités de recherche ou d'évaluation sont effectuées, même partiellement, dans un établissement de santé, au responsable de l'établissement ;
4) les rémunérations ne sont pas calculées de manière proportionnelle au nombre de prestations ou produits prescrits, commercialisés ou assurés.
Art. 44.
L'article 42 ne s'applique pas non plus à l'hospitalité offerte, de manière directe ou indirecte, lors de manifestations de promotion ou lors de manifestations à caractère exclusivement professionnel et scientifique lorsque cette hospitalité :
1) est prévue par une convention, passée entre une entreprise et une sage-femme, soumise pour avis au Directeur de l'Action Sanitaire avant sa mise en application ;
2) reste accessoire par rapport à l'objectif principal de la réunion et n'est pas étendue à des personnes autres que les professionnels directement concernés.
Art. 45.
Une copie de la convention mentionnée à l'article 43 ou 44 est transmise par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal, pour avis, au Directeur de l'Action Sanitaire par l'entreprise. À défaut de réponse du Directeur dans un délai de deux mois à compter de la date de réception, l'avis est réputé favorable. L'avis défavorable est motivé et transmis, par l'entreprise, à la sage-femme avant l'éventuelle mise en application de la convention.
Lorsque le Directeur souhaite avoir connaissance de documents ou de renseignements complémentaires, il le notifie sans délai à l'entreprise par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal. Le délai mentionné à l'alinéa précédent est alors suspendu jusqu'à réception de ceux-ci.
Les dispositions des articles 42 à 44 ne sauraient ni soumettre à convention les relations normales de travail, ni interdire le financement des actions de formation médicale continue.
CHAPITRE II
DES DEVOIRS DES SAGES-FEMMES ENVERS LES PATIENTES ET LEUR ENFANT
Section I
Des soins dispensés
Art. 46.
Hors le cas d'urgence ou celui où elle manquerait à ses devoirs d'humanité, la sage femme a le droit de refuser ses soins à une personne pour des raisons professionnelles ou personnelles, à condition :
1) de ne jamais nuire de ce fait à cette personne ;
2) de s'assurer de la continuité des soins et de fournir à cet effet tous renseignements utiles.
La sage-femme ne peut exercer ce droit que dans le respect des dispositions de l'article 47.
Art. 47.
La sage-femme traite avec la même conscience toute patiente et son enfant quels que soient leur origine, leurs mœurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminées, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu'elle peut éprouver à leur égard, et quel que soit le sexe de l'enfant.
Art. 48.
La sage-femme qui a accepté de donner des soins à une personne s'oblige :
1) à lui assurer des soins éclairés et conformes aux données acquises de la science que requiert son état, soit personnellement avec conscience et dévouement, soit en faisant appel à une autre sage-femme ou à un médecin ;
2) à agir en permanence avec courtoisie envers cette personne et à se montrer compatissante avec elle.
Art. 49.
La sage-femme élabore son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes les plus appropriées et, s'il y a lieu, en s'entourant des concours les plus éclairés.
Art. 50.
La sage-femme formule ses prescriptions avec toute la clarté nécessaire. Elle veille à la bonne compréhension de celles-ci par la patiente. Elle s'efforce d'obtenir la bonne exécution du traitement.
Art. 51.
La sage-femme s'interdit, dans les investigations ou les actes qu'elle pratique comme dans les traitements qu'elle prescrit, de faire courir à sa patiente ou à l'enfant un risque injustifié.
Art. 52.
La sage-femme ne peut proposer à une patiente ou à son entourage comme salutaire, efficace ou sans danger un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé.
Toute pratique de charlatanisme est interdite.
Art. 53.
En cas de danger public, la sage-femme ne peut abandonner ses patientes et les nouveau-nés, sauf sur ordre formel donné par une autorité qualifiée conformément à la législation ou à la réglementation en vigueur.
Art. 54.
La sage-femme qui se trouve en présence d'une personne en danger immédiat ou qui est informée d'un tel danger lui porte assistance ou s'assure que les soins nécessaires lui sont donnés.
Section II
Du respect du libre choix
Art. 55.
La sage-femme respecte le droit que possède toute personne de choisir librement son praticien, sage-femme ou médecin, ainsi que l'établissement où elle souhaite recevoir des soins ou accoucher.
La sage-femme lui facilite l'exercice de ce droit.
Section III
Du respect de la volonté
Art. 56.
La sage-femme est tenue de recueillir le consentement de sa patiente et, le cas échéant, de la personne dont le consentement est requis par la loi n° 1.454 du 30 octobre 2017, susvisée, conformément aux dispositions de ladite loi.
Section IV
Du respect de la vie privée et du secret professionnel
Art. 57
La sage-femme respecte le droit au respect de la vie privée de toute personne qu'elle prend en charge.
Elle ne s'immisce pas dans les affaires de famille de cette personne.
Art. 58.
Sous réserve de toute disposition législative contraire, la sage-femme est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues à l'article 308 du Code pénal.
Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance de la sage-femme dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'elle a vu, entendu ou compris.
Art. 59.
Lorsqu'une sage-femme discerne qu'une personne auprès de laquelle elle est appelée est victime de sévices ou de privations, elle met en œuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection.
Conformément aux dispositions de l'article 308-1bis du Code pénal, s'il s'agit d'un mineur ou d'une personne majeure qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, elle alerte, sauf circonstances particulières qu'elle apprécie en conscience, les autorités judiciaires ou administratives.
Art. 60.
La sage-femme veille à ce que les personnes qui l'assistent dans son travail soient instruites de leurs obligations en matière de secret professionnel et s'y conforment.
Art. 61.
La sage-femme veille à la protection contre toute indiscrétion de ses dossiers médicaux et de tout autre document, quel qu'en soit le support, qu'elle peut détenir ou transmettre concernant ses patientes. Lorsqu'elle se sert de ses observations médicales pour des publications scientifiques, elle fait en sorte que l'identification des patientes ne soit pas possible.
Art. 62.
La sage-femme s'efforce de faciliter l'obtention par sa patiente des avantages sociaux auxquels son état lui donne droit sans céder à aucune demande abusive.
Section V
De la tenue des dossiers médicaux
Art. 63.
La sage-femme qui n'exerce pas au sein d'un établissement de santé public ou privé tient, pour chaque personne qu'elle prend en charge, un dossier médical. Les dispositions législatives et réglementaires régissant la tenue du dossier médical par un médecin n'exerçant pas au sein d'un établissement de santé public ou privé lui sont applicables.
Art. 64.
À la demande de la patiente ou avec son consentement, la sage-femme doit aux professionnels de santé que la patiente entend consulter les informations et documents utiles à la continuité des soins.
Il en va de même lorsque la patiente porte son choix sur une autre sage-femme traitante.
Section VI
Des honoraires
Art. 65.
La sage-femme exerçant son activité à titre libéral détermine le montant de ses honoraires avec tact et mesure, en tenant compte de la législation et de la réglementation en vigueur, des actes dispensés et des circonstances particulières.
Les honoraires ne peuvent être réclamés qu'à l'occasion d'actes réellement effectués. L'avis ou le conseil dispensé à une patiente par téléphone ou par correspondance ne peut donner lieu à aucun honoraire.
Aucun mode particulier de règlement ne peut être imposé aux patientes.
Art. 66.
La sage-femme exerçant son activité à titre libéral affiche de façon visible et lisible dans sa salle d'attente ou, à défaut, dans son lieu d'exercice les informations relatives à ses honoraires, y compris les dépassements qu'elle facture.
Elle n'est jamais en droit de refuser à sa patiente des explications sur le montant de ses honoraires.
Art. 67.
La sage-femme exerçant son activité à titre libéral est libre de donner gratuitement ses soins.
Toutefois, il lui est interdit d'abaisser ses honoraires dans un but de concurrence.
Art. 68.
Tout partage d'honoraires entre une sage-femme et un professionnel de santé est interdit. Chacun présente directement sa note d'honoraires.
L'acceptation, la sollicitation ou l'offre d'un partage d'honoraires est également interdite et constitue, pour la sage-femme qui l'effectue, un manquement susceptible d'entraîner une décision de suspension ou d'abrogation de son autorisation d'exercer, même si l'acceptation, la sollicitation ou l'offre n'est pas suivie d'effet.
CHAPITRE III
DES DEVOIRS DE CONFRATERNITÉ
Section I
Des rapports entre sages-femmes
Art. 69.
Les sages-femmes entretiennent entre elles des rapports de bonne confraternité.
Art. 70.
Les sages-femmes se doivent une assistance morale.
Il est interdit à une sage-femme de calomnier une autre sage-femme, de médire d'elle ou de se faire l'écho de propos capables de lui nuire dans l'exercice de sa profession.
Il est de bonne confraternité de prendre la défense d'une sage-femme injustement attaquée.
Art. 71.
Il est interdit à une sage-femme de détourner ou de tenter de détourner la patientèle d'une autre sage-femme.
Art. 72.
La sage-femme peut prendre en charge, même en dehors de toute urgence, toute personne relevant de son art, même lorsque celle-ci est suivie par une autre sage-femme.
Si une patiente fait connaître son intention de changer de sage-femme, celle-ci lui remet les informations nécessaires pour assurer la continuité et la qualité des soins.
Art. 73.
Lorsqu'une patiente fait appel, en l'absence de la sage-femme traitante, à une autre sage-femme, celle-ci peut assurer les soins nécessaires pendant cette absence.
La sage-femme consultée donne à la sage-femme traitante, dès le retour de celle-ci, et avec l'accord préalable de la patiente, toutes informations qu'elle juge utiles.
Art. 74.
Une sage-femme ne peut s'installer dans un immeuble où exerce une autre sage-femme sans son accord préalable ou, à défaut, sans l'autorisation du Directeur de l'Action Sanitaire. Cette autorisation ne peut être refusée que pour des motifs tirés des besoins de la santé publique.
Section II
Des rapports avec un consultant
Art. 75.
En dehors des situations où les dispositions des articles 6 et 6-1 de l'Ordonnance du 29 mai 1894, modifiée, susvisée, lui imposent de faire appel à un médecin ou d'adresser la patiente à un médecin, la sage-femme est également tenue de proposer, lorsque les circonstances l'exigent, la consultation d'une autre sage-femme ou d'un médecin ou d'accepter celle qui est demandée par la patiente.
Elle respecte le choix de la patiente et, sauf objection sérieuse, l'adresse de sa part au consultant proposé ou choisi.
Si elle ne croit pas devoir donner son agrément au choix de la patiente, elle peut se retirer sans être tenue de motiver son refus et dans le respect des dispositions de l'article 46\. Elle peut aussi conseiller de recourir à un autre consultant, comme elle doit le faire à défaut de choix exprimé par la patiente.
À l'issue de la consultation et en l'absence d'opposition de la patiente, le consultant informe par écrit la sage-femme traitante de ses constatations, conclusions et éventuelles prescriptions.
Art. 76.
La sage-femme traitante et le consultant ont le devoir d'éviter soigneusement, au cours et à la suite d'une consultation, de se nuire mutuellement.
Le consultant ne peut, en l'absence de demande expresse de la patiente, poursuivre les soins exigés par l'état de cette dernière lorsque ces soins sont de la compétence de la sage-femme traitante.
Section III
Des rapports avec un autre professionnel de santé
Art. 77.
La sage-femme entretient de bons rapports avec les membres des autres professions de santé et respecte l'indépendance professionnelle de ces derniers.
Art. 78.
Notre Secrétaire d'État, Notre Directeur des Services Judiciaires et Notre Ministre d'État sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution de la présente ordonnance.
Donné en Notre Palais à Monaco, le quatorze novembre deux mille dix-neuf.
ALBERT.
Par le Prince,
Le Secrétaire d'État :
J. BOISSON.