Note explicative concernant l’article 10 de la loi n° 1.399 du 25 juin 2013 portant réforme du Code de procédure pénale en matière de garde à vue

  • No. Journal 8130
  • Date of publication 19/07/2013
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  • Page no. 1455
Le Gouvernement Princier se félicite de l’adoption du projet de loi n° 894, devenu la loi n° 1.399 portant réforme du Code de procédure pénale. Voté à l’unanimité par le Conseil National, ce texte modifie substantiellement le régime de la garde à vue dans le sens, tant d’une clarification du droit et des procédures d’enquêtes judiciaires, que du renforcement des garanties fondamentales du gardé à vue.
La loi promulguée par S.A.S. le Prince s’avérant toutefois, en raison des amendements, différer sensiblement du projet initialement déposé, son exposé des motifs ne permet plus d’en appréhender complètement la teneur. Aussi, dans l’attente de la publication des débats du Conseil National relatifs à ce dispositif, a-t-il semblé opportun au Gouvernement Princier, en accord avec la Direction des Services Judiciaires, dans un souci d’accessibilité et de lisibilité de la loi, de fournir de brefs éléments d’explication portant sur les principaux points ayant fait l’objet d’amendements significatifs, savoir :
• les critères du placement en garde à vue :
De nouvelles dispositions ont été insérées dans le Code de procédure pénale pour déterminer les conditions légalement indispensables pour justifier un placement en garde à vue.
Ainsi, lorsqu’une personne est entendue par les services de police, son placement en garde à vue doit lui être notifié dès lors, d’une part, qu’existent des raisons sérieuses de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’emprisonnement et, d’autre part, que les nécessités des investigations exigent qu’elle demeure à la disposition de l’officier de police judiciaire.
Il s’agit là de dispositions visant à clarifier, dans l’intérêt de l’enquête, les conditions de déclenchement de la garde à vue en éclairant tant la décision de l’officier de police judiciaire que la situation de la personne entendue.
• -la garantie des droits de la personne en matière d’investigations corporelles et de fouilles à corps :
La décision de procéder à des investigations corporelles internes - que seul un médecin peut pratiquer - doit émaner, selon le cas, du magistrat du Parquet général ou du juge d’instruction compétent. En outre, suivant en ce sens les exigences de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, cette décision doit être proportionnée au regard du but qu’elle poursuit, tout élément de preuve irrégulièrement recueilli au moyen de telles investigations ne pouvant constituer l’unique fondement d’une éventuelle condamnation.
Quant aux fouilles à corps, elles ne peuvent être pratiquées que par des fonctionnaires de police - officiers ou agents de police judiciaire - du même sexe que la personne fouillée.
• -la consécration du renoncement au droit de ne faire aucune déclaration :
Comme pour les critères de placement en garde à vue, une clarification a été jugée opportune à l’effet d’éviter toute contestation consécutive au renoncement volontaire, par une personne gardée à vue, à son droit au silence. Ainsi, dans l’hypothèse où le gardé à vue choisirait de ne pas user de ce droit, est-il expressément énoncé que ses déclarations, régulièrement obtenues, pourront être utilisées ultérieurement comme élément de preuve, que cela soit à charge ou à décharge.
• -la refonte du régime de la garde à vue du mineur :
Si le projet initial prévoyait déjà la possibilité de placement en garde à vue d’un mineur, il a été amendé de manière à introduire un régime spécifique pour le mineur de moins de treize ans qui, s’il peut être maintenant placé en garde à vue, ne pourra l’être que s’il existe des raisons sérieuses de soupçonner qu’il a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement.
Une telle mesure a été justifiée par la montée en puissance de la criminalité des mineurs, parfois dans le cadre de réseaux organisés, laquelle n’épargne pas Monaco. Une réponse législative et judiciaire doit donc être donnée à cette forme nouvelle de délinquance de manière à continuer à assurer tant le haut niveau de sécurité auquel aspirent les Monégasques, les résidents ainsi que tous ceux qui se rendent dans la Principauté, pour quelque motif que ce soit (travail, tourisme, loisirs etc …), que les garanties fondamentales de l’Etat de droit, particulièrement exigibles s’agissant de mineurs faisant l’objet de contraintes dans le cadre de la procédure pénale.
De fait, la détention d’un mineur ne méconnaît pas la Convention Européenne des Droits de l’Homme ; au contraire, l’une de ses dispositions, en l’occurrence son article 5-d), la prévoit expressément. Il en est de même, du reste, de la Convention des Nations-Unies relative aux droits de l’enfant qui, en son article 37, stipule que l’arrestation d’un enfant doit être conforme à la loi et être ordonnée en dernier ressort pour une durée aussi brève que possible. Elle prévoit également que les enfants privés de liberté doivent avoir rapidement accès à une assistance juridique et disposer de voies de recours appropriées devant l’autorité judiciaire.
La Cour Européenne des Droits de l’Homme s’attache quant à elle à vérifier que, dans les affaires qui lui sont soumises, l’ensemble des droits et garanties posées par la Convention Européenne des Droits de l’Homme est préservé pour chaque justiciable, sans distinction ou discrimination injustifiée tenant à son âge.
Tel est bien le cas en l’espèce ; le mineur bénéficie effectivement de l’ensemble des droits reconnus aux majeurs. Mais ces droits ne constituent qu’un plancher minimal.
Des garanties supplémentaires sont en effet accordées au mineur placé en garde à vue. Il en est ainsi de l’impossibilité de procéder à son audition en l’absence d’avocat, contrairement au majeur dont l’interrogatoire peut débuter si le conseil requis ne se présente pas dans le délai d’une heure. De même, la loi prévoit l’obligation d’information, dans un bref délai, du ou des représentants légaux du mineur en garde à vue.
Par ailleurs, si la durée de la garde à vue du mineur de moins de treize ans, initialement limitée à douze heures renouvelables, peut être portée à vingt-quatre heures, ce n’est qu’en matière criminelle et uniquement sur décision du juge des libertés. L’audition du mineur de moins de treize ans doit de surcroît être conduite par un officier de police judiciaire sensibilisé à ce type de mission. En pratique, la sensibilisation prescrite par la loi donnera lieu à une formation particulière des fonctionnaires de police concernés.
En conclusion et sans préjuger de l’interprétation souveraine que les juges feront de ce dispositif, il paraît clair que le placement en garde à vue de mineurs, et en particulier de ceux de moins de treize ans, sera exceptionnel car appelé à n’être décidé que dans les cas où l’enquête le nécessite absolument et pour une durée aussi brève que possible.
• -la possibilité de déroger au droit à l’assistance d’un avocat :
Une nouvelle disposition du Code de procédure pénale ouvre la possibilité de déroger notamment au droit, pour une personne en garde à vue, d’être assistée d’un avocat au cours des auditions. Cette dérogation doit être justifiée par des raisons impérieuses tenant soit à la nécessité urgente d’écarter un danger menaçant la vie ou l’intégrité physique d’une ou plusieurs personnes, soit à celle de recueillir ou de conserver des preuves.
Dès lors qu’elle limite un droit, cette mesure dérogatoire est bien évidemment strictement encadrée, tant sur le plan de la procédure que de ses motifs.
Pour ce qui est de la procédure tout d’abord, il est à souligner que la décision de dérogation ne peut être le fait d’un officier de police judiciaire mais relève de la compétence d’un magistrat, membre du Parquet général ou juge d’instruction selon le cas. Ultérieurement, lors de la phase de jugement, le texte prend le soin de préciser qu’aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de déclarations faites en garde à vue, hors la présence d’un avocat.
En ce qui concerne ses motifs ensuite, il est clair que si les deux catégories de raisons impérieuses susmentionnées se comprennent d’elles-mêmes, celles tenant à la conservation des preuves - et la condition d’urgence qui s’y rattache - devront être sérieusement étayées.
Tel sera, par exemple, le cas si un phénomène extérieur irrésistible, naturel ou non (fortes précipitations, montée des eaux, mouvement de sols, incendie …) est sur le point d’irrémédiablement altérer ou de détruire des éléments de preuve établissant la matérialité ou l’imputabilité d’une infraction.
Serait en outre illégale - la loi le précise expressément - la dérogation motivée par des considérations tenant exclusivement à la gravité de l’infraction. Cette précaution vise à éviter une validation systématique de la dérogation au droit à l’assistance d’un avocat en garde à vue dans le cas de crimes graves tels que le meurtre ou le viol par exemple.
La légalité de la mesure dérogatoire devra également être appréciée à l’aune du principe de proportionnalité, lequel s’applique également à sa durée. La loi énonce en effet explicitement qu’elle ne peut qu’être temporaire et proportionnelle au but qu’elle poursuit.
Ce dispositif est apparu tant au Gouvernement qu’au Conseil national comme respectueux de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme laquelle considère que le droit à l’assistance d’un avocat ne constitue pas un droit intangible mais un droit conditionnel. De ce fait, il est possible d’y déroger en présence de circonstances exceptionnelles.
La Cour a ainsi jugé que l’accès à un avocat devait être consenti dès le premier interrogatoire du suspect par la police « sauf à démontrer à la lumière des circonstances particulières de l’espèce qu’il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit » (27 novembre 2008 : Salduz c/ Turquie).
A cet égard, les juges européens estiment que ces « raisons impérieuses » ne peuvent découler de la seule nature de l’infraction mais de la combinaison de faits d’une extrême gravité et d’une grande complexité.
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