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DIRECTION DES SERVICES JUDICIAIRES COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTE DE MONACO ANNEE JUDICIAIRE 2016-2017 RENTREE DES TRIBUNAUX

  • N° journal 8300
  • Date de publication 21/10/2016
  • Qualité 100%
  • N° de page

Audience solennelle du 3 octobre 2016

Discours de rentree

prononcé par

Madame Cécile Chatel Petit
 Vice-Président de la Cour de Révision

 

« La Cour de révision face à l’Avenir incertain

des cours suprêmes de l’Ordre Judiciaire »

 

ALLOCUTIONS DE

 

Mme Brigitte Grinda-Gambarini

Premier Président de la Cour d’Appel

M. Jacques Doremieux

Procureur Général

 

Le lundi 3 octobre 2016 a été marqué par la traditionnelle audience de rentrée des Cours et Tribunaux.

Cette audience a été précédée par la Messe du Saint-Esprit concélébrée par Mgr Bernard Barsi, Archevêque de Monaco, l’Abbé Guillaume Paris, Vicaire général, Monseigneur René Giuliano et l’Abbé Daniel Deltreuil, Curé de la Cathédrale.

A l’issue de la Messe du Saint-Esprit, Son Altesse Sérénissime le Prince, escorté de M. le Lieutenant-colonel Laurent Soler, Chambellan, était accueilli au Palais de Justice par S.E. M. Philippe Narmino, Directeur des Services Judiciaires, Président du Conseil d’Etat, ayant à ses côtés S.E. M. Serge Telle, Ministre d’Etat.

S.A.S. le Prince Souverain était conduit par le Directeur des Services Judiciaires dans la salle d’audience de la Cour d’Appel où Il prenait place.

L’audience solennelle débutait sous la présidence de
Mme Brigitte Grinda-Gambarini, Premier Président de la Cour d’Appel qui avait à ses côtés, Mme Sylvaine Arfinengo, M. Éric Senna, Mme Virginie Zand et M. Paul Chaumont, Conseillers.

M. Jean-Pierre Dumas, Premier Président de la Cour de Révision, était accompagné de Mme Cécile Chatel-Petit et M. Jean-François Renucci, Vice-Présidents, de MM. François Cachelot, Guy Joly, Serge Petit et Jacques Raybaud, Conseillers.

Mme Martine Coulet-Castoldi, Président du Tribunal de Première Instance, conduisait les magistrats de sa juridiction :

Mlle Magali Ghenassia, Vice-Président,

M. Jérôme Fougeras-Lavergnolle, Premier Juge,

M. Sébastien Biancheri, Premier Juge,

M. Florestan Bellinzona, Premier Juge,

Mme Rose-Marie Plaksine, Premier Juge,

M. Morgan Raymond, Premier Juge,

Mme Françoise Dornier, Premier Juge,

Mme Geneviève Vallar, Premier Juge,

M. Edouard Levrault, Juge,

Mme Aline Brousse, Juge,

Mme Léa Parienti Galfré, Juge,

Mme Carole Delorme le Floc’h, Juge,

Mme Séverine Lasch Ivaldi, Juge,

M. Michel Soriano, Juge de Paix, était également présent.

M. Jacques Doremieux, Procureur Général, représentait le Ministère public avec à ses côtés M. Hervé Poinot, Procureur Général adjoint, M. Olivier Zamphiroff, Premier Substitut, Mlles Cyrielle Colle et Alexia Brianti, Substituts et Mme Magali Ginepro, Secrétaire Général du Parquet.

Le plumitif d’audience était tenu par Mme Béatrice Bardy, Greffier en Chef, assistée de Mmes Virginie Sangiorgio et Marine Pisani, Greffiers en Chef adjoints, entourées des greffiers en exercice.

Me Marie-Thérèse Escaut-Marquet, Me Claire Notari et Me Patricia Grimaud-Palmero occupaient le banc des huissiers.

Me Alexis Marquet, Bâtonnier de l’Ordre des avocats-défenseurs et avocats, était entouré des membres du barreau.

Assistaient également à cette audience les notaires, administrateurs judiciaires et syndics de faillite.

Mme Brigitte Grinda-Gambarini, Premier Président de la Cour d’appel, ouvrait l’audience en ces termes :

« L’audience solennelle est ouverte.

En ce 3 octobre, plus encore peut-être que lors des années précédentes, nous sommes heureux et même réconfortés de nous retrouver tous réunis pour obéir à ce rituel auquel notre histoire nous lie. Une telle tradition est presque rassurante en cette période de doutes et d’interrogations légitimes sur la place de la Justice dans nos sociétés troublées.

Cette audience revêt également cette année un caractère particulier en raison de la présence de Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain, qui témoigne une fois de plus de l’intérêt qu’Il accorde aux juridictions de la Principauté.

Monseigneur, permettez-moi de Vous faire part, au nom de tous les membres de la compagnie judiciaire, de nos sentiments déférents et respectueux et de notre profonde et très sincère gratitude pour la confiance totale dont Vous honorez toujours notre Institution.

La solennité et l’attrait de cette cérémonie sont d’autant plus forts que nous avons aussi ce matin le grand honneur d’accueillir dans notre palais de justice de très hauts magistrats de l’ordre judiciaire français.

Madame Laurence Flise, Doyen des Présidents de Chambre de la Cour de Cassation représentant Monsieur Bertrand Louvel, Premier Président de la Cour de Cassation, et Monsieur Laurent Le Mesle, Premier Avocat Général Doyen de la Cour de Cassation représentant Monsieur le Procureur Général Jean-Claude Marin, soyez les bienvenus en Principauté de Monaco. Nous vous remercions sincèrement et très chaleureusement de cette marque d’intérêt, révélant les liens indéfectibles qui unissent nos institutions respectives.

Nous sommes enfin, comme toujours, très touchés d’accueillir les plus hautes autorités et personnalités de la Principauté de Monaco :

Monsieur le Ministre d’État,

Monseigneur Barsi, Archevêque de Monaco,

Monsieur le Président du Conseil National,

Monsieur le Président du Conseil de la Couronne,

Monsieur le Ministre Plénipotentiaire, Directeur des Services Judiciaires et Président du Conseil d’État,

Monsieur le Secrétaire d’État,

Monsieur le Chef de Cabinet de S.A.S. le Prince Souverain,

Monsieur le Chambellan de S.A.S. le Prince Souverain,

Monsieur le Premier Aide de Camp de S.A.S le Prince Souverain, Commandant Supérieur de la Force Publique,

Madame, Messieurs les Conseillers de Gouvernement-Ministres,

Madame l’Ambassadeur de France et Monsieur l’Ambassadeur d’Italie,

Monsieur le Maire,

Monsieur le Président du Tribunal Suprême et les membres de cette juridiction,

Monsieur le Vice-Président du Conseil d’État,

Messieurs les membres du Haut Conseil de la Magistrature,

Messieurs les Conseillers d’État,

Madame le Haut-Commissaire à la Protection des Droits, des Libertés et à la Médiation,

Monsieur le Directeur Général du Département de l’Intérieur,

Monsieur le Lieutenant-Colonel de la Compagnie des Sapeurs-Pompiers,

Madame la Directrice de l’Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports,

Mesdames, Messieurs, soyez assurés de notre sincère reconnaissance pour votre fidélité.

Nous tenons également à remercier pour leur présence tous les acteurs de la vie judiciaire monégasque qui œuvrent à nos côtés tout au long de l’année : Monsieur Richard Marangoni, Directeur de la Sûreté Publique et ses adjoints,

Monsieur le Directeur de la Maison d’Arrêt et son adjoint,

Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de la Principauté de Monaco et les membres du barreau monégasque,

Mesdames et Messieurs les notaires, les huissiers de justice, les experts judiciaires, les syndics et administrateurs,

Je m’adresse enfin avec beaucoup de plaisir à nos collègues des juridictions voisines qui honorent régulièrement de leur présence notre audience solennelle de rentrée :

Madame Chantal Fourneret-Bussiere, Première Présidente de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence,

Monsieur Jean-Marie Huet, Procureur Général près de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence,

Monsieur Alain Chateauneuf, Président du Tribunal de Grande Instance de Nice,

Monsieur Jean-Michel Pretre, Procureur de la République auprès du Tribunal de Grande Instance de Nice,

Monsieur Michaël Janas, Président du Tribunal de Grande Instance de Grasse,

Monsieur Georges Gutierrez, Procureur de la République auprès du Tribunal de Grande Instance de Grasse,

Monsieur Alain Poujade, Vice-Président du Tribunal Administratif de Nice,

Maître Marie-Christine Mouchan représentant le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Nice et Maître Jean-Marc Farneti, Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Grasse,

Monsieur le Doyen de la faculté de droit de Nice,

Mesdames, Messieurs, vous revoir tous ici cette année encore nous touche sincèrement.

Avant d’ouvrir une nouvelle année judiciaire, il nous faut au préalable rappeler les événements qui ont marqué chronologiquement l’année écoulée.

En ce qui concerne les magistrats :

De nombreux collègues ont quitté nos juridictions, soit pour rejoindre leur corps d’origine, soit parce qu’ils étaient admis à faire valoir leurs droits à la retraite :

Monsieur Roger Beauvois, Premier Président de la Cour de Révision a été admis, sur sa demande, à cesser ses fonctions à compter du 31 octobre 2015 et l’honorariat lui a été conféré par ordonnance souveraine du 14 octobre 2015,

Monsieur Charles Badi, Conseiller à la Cour de Révision, a également été admis, sur sa demande, à cesser ses fonctions à compter du 31 octobre 2015, l’honorariat lui a été conféré par ordonnance souveraine du 14 octobre 2015.

Nous rendons un hommage sincère à ces très hauts magistrats qui ont, durant plusieurs années, brillamment contribué à l’œuvre de justice monégasque et nous leur souhaitons une retraite méritée et sereine.

D’autres collègues des juridictions permanentes nous ont quittés :

Monsieur Loïc Malbrancke, Juge au Tribunal de Première Instance exerçant les fonctions de Juge d’instruction et Monsieur Michael Bonnet, Premier Substitut du Procureur Général, ont tous les deux réintégré leur corps d’origine, respectivement les 4 janvier et 15 mars 2016,

Madame Michèle Humbert, Premier Juge au Tribunal de Première Instance exerçant des fonctions de Vice-Président, Mesdames Patricia Hoarau, Emmanuelle Casini, et Sophie Fleurichamp, Juges au Tribunal de Première Instance, Monsieur Pierre Kuentz, exerçant les fonctions de Juge d’instruction au Tribunal de Première Instance ont également quitté notre institution pour rejoindre les juridictions françaises le 1er septembre 2016.

Tous ces magistrats ont, durant leur détachement, contribué à nos missions avec une très grande conscience professionnelle et nous tenons à leur exprimer publiquement notre gratitude pour leur engagement.

Cette vague de départs successifs aurait pu être particulièrement préoccupante si nous n’avions pu obtenir, grâce aux diligences de la Direction des Services Judiciaires et dans des délais remarquables, limités à la période des vacations judiciaires estivales, les remplacements nécessaires dans les différents postes concernés.

De nombreuses nominations et promotions sont en effet intervenues durant l’année judiciaire écoulée :

Monsieur Jean-Pierre Dumas a été nommé Premier Président de notre Cour de Révision par ordonnance souveraine du 14 octobre 2015,

Madame Cécile Chatel épouse Petit et Monsieur Jean-François Renucci ont été tous deux nommés Vice-Présidents de notre Cour de Révision suivant ordonnance souveraine du 14 octobre 2015,

Monsieur Jacques Raybaud a été nommé Conseiller à la Cour de Révision par ordonnance souveraine du 14 octobre 2015,

Mademoiselle Magali Ghenassia, Juge de Paix depuis le 1er octobre 2008 a été nommée Vice-Président au Tribunal de Première Instance suivant ordonnance souveraine du 21 mars 2016,

Monsieur Morgan Raymond a été nommé Juge d’instruction pour une durée de trois années le 21 mars 2016 et Premier Juge au Tribunal de Première Instance par ordonnance souveraine du 1er avril 2016,

Monsieur Michel Soriano, nommé Premier Juge au Tribunal de Première Instance le 1er décembre 2015 a été nommé Juge de Paix par ordonnance souveraine en date du 23 juin 2016,

Monsieur Hervé Poinot a été nommé Procureur Général Adjoint au Parquet Général suivant ordonnance souveraine du 19 mai 2016.

Plus récemment, leur installation ayant eu lieu le 5 septembre dernier,

Monsieur Olivier Zamphiroff a été nommé Premier Substitut du Procureur Général par ordonnance souveraine du 5 juillet 2016,

Mesdames Françoise Berge épouse Dornier et Geneviève Cassan épouse Vallar ont été nommées Premier Juge au Tribunal de Première Instance par ordonnance souveraine du 5 juillet 2016,

Mesdames Carole Delorme épouse Le Floc’h et Séverine Lasch épouse Ivaldi ont été nommées Juge au Tribunal de Première Instance par ordonnance souveraine du 5 juillet 2016,

Monsieur Édouard Levrault a été nommé Juge d’instruction au Tribunal de Première Instance par ordonnance souveraine du 5 juillet 2016,

Madame Léa Parienti épouse Galfre, magistrat référendaire, a été nommée Juge au Tribunal de Première Instance à compter du 1er septembre 2016.

Des événements plus tristes nous ont aussi touchés cette année. La famille judiciaire a, en effet, été durement éprouvée par la disparition de deux de ses membres.

Le décès de Monsieur René Vialatte le 29 mars 2016 a suscité une vive émotion au sein de notre Institution. Premier Président Honoraire de la Cour d’appel et Conseiller d’État Honoraire, Monsieur René Vialatte avait été nommé Président du Tribunal de Première Instance le 28 juin 1979, puis Premier Président de la Cour d’appel le 23 avril 1981.

Monsieur René Vialatte aimait passionnément son métier qu’il exerçait avec une grande rigueur intellectuelle et morale mais aussi avec une autorité bienveillante et une richesse de cœur que n’oublieront jamais ceux qui ont croisé son chemin.

Profondément attaché à notre Principauté, il a contribué à l’amélioration du droit, tant à travers son activité au Conseil d’État qu’à l’occasion de sa contribution à la Revue de Droit Monégasque puisqu’il y rédigeait de nombreux commentaires de jurisprudence et articles de doctrine.

Il prononçait également le 1er octobre 1981, dans cette même salle d’audience, un magnifique discours de rentrée intitulé : « Monaco face à la mer » rendant un passionnant hommage, Monseigneur, à l’œuvre de Votre trisaïeul, le Prince Albert Ier.

Sa science juridique, unanimement respectée, et sa personnalité attachante ont profondément marqué la Justice monégasque. La place exceptionnelle qu’il y a tenue lui avait valu d’être élevé à la dignité de Commandeur dans l’Ordre de Saint-Charles.

Le souvenir de Monsieur René Vialatte restera à jamais vivant en nous.

A son fils, Maître Jean-Max Vialatte, avocat au Barreau de Grasse, qui est présent ce matin parmi nous, nous renouvelons nos plus sincères condoléances tout en l’assurant de notre sympathie.

Monsieur Jean Curau, Conseiller Honoraire de notre Cour d’appel qui avait exercé ses fonctions à compter du 20 septembre 2011 jusqu’à sa retraite, nous a également quitté le 4 juillet 2016.

Nous avons également ce matin une pensée émue pour ce haut magistrat, attachant et très apprécié en Principauté.

Au Barreau,

Maître Alice Pastor et Maître Xavier-Alexandre Boyer ont été nommés avocats par arrêté du Directeur des Services Judiciaires en date du 1er décembre 2015,

Maître Hervé Campana a été nommé avocat-défenseur par ordonnance souveraine du 10 décembre 2015,

Mademoiselle Raphaëlle Svara qui a réussi l’examen d’aptitude à la profession d’avocat, a été nommée avocat stagiaire par arrêté de Monsieur le Directeur des Services Judiciaires en date du 5 janvier 2016,

Madame Pierre-Anne Noghes Dumonceau a été admise à exercer la profession d’avocat par arrêté du Directeur des Services Judiciaires en date du 18 mars 2016.

Maître Rémy Brugnetti a cessé ses fonctions à compter du 31 août 2016 et l’honorariat lui a été conféré par ordonnance souveraine du 5 juillet 2016.

Du coté des greffes,

Madame Antoinette Fleche, Greffier, a été admise à faire valoir ses droits à la retraite anticipée à compter du 4 janvier 2016, après une magnifique carrière et des années de dévouement au Greffe Général,

Madame Emmanuelle Philibert, a été nommée Greffier Stagiaire au Greffe Général à compter du 4 janvier 2016 par arrêté du Directeur des Services Judiciaires du 23 décembre 2015,

Madame Carole Franceschi, a été nommée Greffier Stagiaire au Greffe Général à compter du 2 mai 2016 par arrêté du Directeur des Services Judiciaires du 20 avril 2016,

Mademoiselle Marine Pisani, a été nommée Greffier en Chef Adjoint par ordonnance souveraine en date du 14 juillet 2016.

La compagnie judiciaire a également été très honorée à l’occasion de la fête nationale puisque :

Madame Martine Provence, Secrétaire Général de la Direction des Services Judiciaires, a été promue au grade d’Officier de l’Ordre de Saint-Charles,

Madame Cécile Chatel épouse Petit, Vice-Président de la Cour de Révision, a été nommée Chevalier de l’Ordre de Saint-Charles,

Maître Sophie LAvagna, avocat-défenseur, a été nommée Chevalier de l’Ordre de Saint-Charles,

Enfin, je ne puis passer sous silence l’honneur qui m’a été fait par Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain de me promouvoir au grade de Commandeur de l’Ordre de Saint-Charles et je me tourne naturellement vers mes collègues dont le dévouement a sans aucun doute contribué à mon élévation à cette dignité.

Toutes ces distinctions rejaillissent sur l’ensemble de l’Institution judiciaire.

Comme chaque année, l’un des membres de la compagnie judiciaire est conduit à nous faire part de ses réflexions sur un sujet de son choix par application des dispositions de l’article 47 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l’administration et à l’organisation judiciaires.

Les magistrats de l’ordre judiciaire s’interrogent souvent sur la place de la plus haute juridiction au sein de leur institution. Le débat est même parfois d’ordre sémantique : Peut-on utiliser l’adjectif de « suprême » pour qualifier une Cour située au sommet de l’ordre juridictionnel qu’elle régule mais qui n’est pas un troisième degré de juridiction puisqu’elle ne porte son regard que sur le droit et non sur le fait.

S’interroger sur le rôle dévolu à une Cour suprême dans un État de droit, qu’il s’agisse de la Cour de révision monégasque ou de la Cour de cassation française, apparaît essentiel pour mettre en perspective la hiérarchie de tout ordre judiciaire et mieux comprendre la mission de régulation dans l’interprétation du droit que s’octroient plusieurs Cours supérieures, potentiellement concurrentes.

L’on est alors immédiatement confronté à une autre interrogation : quel est l’avenir de ces Cours suprêmes face aux nouveaux défis de l’époque moderne, parmi lesquels l’influence grandissante des systèmes juridiques de Common Law et des Cours internationales en matière de garantie des droits et libertés ?

Vous l’avez compris, les réponses à ces questions vont vous être données par notre oratrice qui n’est autre que Madame le Vice-Président de la Cour de Révision.

Je cède immédiatement la parole à notre orateur pour traiter le sujet suivant :

« La cour de révision face à l’avenir incertain des cours suprêmes de l’ordre judiciaire ».

Mme Cécile Chatel-Petit, Vice-Président de la Cour de Révision prononçait alors son discours.

« Monseigneur,

Mesdames et Messieurs les hautes autorités,

Mesdames, Messieurs,

C’est un honneur et un plaisir pour la Cour de Révision que de s’exprimer à l’occasion de ce temps fort qui réunit la famille judiciaire monégasque pour la rentrée judiciaire.

La Cour de Révision, créée par Votre ancêtre, le Prince Albert 1er, par ordonnance du 2 juin 1898, a succédé au « Conseil de Révision » qui permettait, à l’époque, à tout justiciable d’en appeler au Prince en tout dernier recours.

Aujourd’hui, la Principauté de Monaco se définit, selon sa Constitution, comme « un Etat de droit attaché au respect des libertés et droits fondamentaux[1] ». Et, si le pouvoir judiciaire, est toujours exercée au nom du Prince, il l’est en toute indépendance, par l’ensemble des juridictions[2].

La Cour de Révision est placée au sommet de la hiérarchie judiciaire monégasque et c’est en ce sens qu’elle peut être qualifiée de Cour suprême. C’est une institution dont bien peu connaissent les véritables attributions. Il en est de même d’ailleurs pour la plupart des cours suprêmes de l’ordre judiciaire...

Cette méconnaissance est bien compréhensible car la complexité de nos institutions judiciaires n’est que le miroir de celle de nos sociétés. Et cependant, curieusement, la justice semble agir comme un aimant. Elle attire chaque année d’innombrables justiciables, illustrant ainsi la réflexion de Tocqueville qui écrivait déjà : « Il n’est presque pas de question politique, (sociétale, dirions-nous aujourd’hui) qui ne se résolve tôt au tard en question judiciaire... ».

La justice est donc régulièrement sommée d’apporter une réponse à la fois opérationnelle et juridiquement étayée, aux innombrables problèmes de nos sociétés !

Mais, de quelle(s) justice(s) s’agit-il ?

Délicate question, qui, à mon sens, a été fort bien cernée par le grand philosophe indien Amartya Sen[3], prix Nobel d’économie, dans cette jolie fable qui me touche personnellement en ma qualité de magistrat. C’est la fable des « trois enfants et la flûte » :

Il s’agit de décider lequel de ces 3 enfants, Anne, Bob et Carla doit se voir attribuer la flûte qu’ils se disputent. Anne la revendique au motif qu’elle est la seule des 3 à savoir en jouer ; Bob défend son droit à la flûte en faisant valoir qu’il est pauvre et que ce sera son seul jouet.

Mais, Carla fait remarquer qu’elle a travaillé assidûment pendant des mois pour la fabriquer.

Vous le voyez, chacun développe, à l’appui de sa revendication une argumentation tout-à-fait pertinente, révélatrice des logiques de justice, plurielles, concurrentes, auxquelles sont quotidiennement confrontés les magistrats.

Justice distributive ? Justice commutative ? Justice sociale ? Le choix est périlleux, parfois idéologique ; Or, tout Etat de droit se doit de répondre au besoin de sécurité juridique sans lequel le droit n’est qu’un mirage !

C’est justement le rôle des juridictions suprêmes de l’ordre judiciaire que d’assurer cette mission en unifiant, sur chaque territoire national, l’application de la règle de droit.

Mais, cette règle de droit, elle est bien sûr étroitement liée à notre civilisation, à notre mode de pensée car, comme le disait le Doyen Carbonnier « le droit de notre pays passe dans nos artères, dans nos muscles, dans notre esprit ; le droit modèle l’homme[4]... ».

Dans le monde occidental contemporain, on distingue classiquement 2 groupes de droit principaux :

- 1° la famille romano-germanique, fondée sur la base du droit romain, qui s’appuie sur des codes ;

- 2° la famille de common-law, sur le modèle anglais, dont la règle de droit vise à donner sa solution à un procès et non à formuler une règle générale pour l’avenir.

Entre ces deux camps, une lutte d’influence s’est engagée avec l’avènement de la Convention européenne des droits de l’homme dont l’objectif est de réaliser une harmonisation des droits fondamentaux dans l’espace du Conseil de l’Europe (c’est-à-dire pour 800 millions de personnes !).

C’est dans ce contexte que la Cour de cassation française, sous l’impulsion de son Premier Président, a engagé une large réflexion sur les conditions de survie de cette haute juridiction face aux défis du XXIème siècle.

Comme l’a fort bien résumé le Premier Président Louvel : « Là où le juge français était habitué à user de l’aphorisme : la loi, toute la loi, rien que la loi », la Cour européenne répond : « certes, mais à condition que le résultat soit équitable, c’est-à-dire que l’application de la loi soit adaptée aux circonstances de l’espèce, soit nécessaire en raison de ces circonstances, et enfin soit proportionnée à ces circonstances ».

La Cour de révision présente quant à elle des spécificités importantes par rapport à la Cour de cassation française mais elle joue un rôle comparable quant à ses pouvoirs et quant à sa méthodologie ; C’est pourquoi j’ai souhaité évoquer aujourd’hui devant vous deux questions qui sont au cœur de l’évolution actuelle de nos systèmes judiciaires européens :

1ère question : quel est le rôle dévolu à une Cour suprême de l’ordre judiciaire dans un Etat de droit ?

2ème question : ce rôle est-il menacé par la montée en puissance de la Cour européenne avec les concepts qui lui sont propres du procès équitable ?

Examinons :

1° - Quel est le rôle, quelle est la mission d’une Cour suprême de l’ordre judiciaire dans un Etat de droit ?

a) Une mission originale et ambitieuse :

Indépendante tant à l’égard du pouvoir législatif que du pouvoir exécutif, une Cour suprême de l’ordre judiciaire, quelle que soit sa dénomination -Cour de révision en Principauté ou Cour de cassation- est une juridiction supérieure, unique, chargée en tout premier lieu de faire appliquer la loi de façon uniforme, cohérente, par les juridictions inférieures. L’objectif est de garantir l’unité de l’interprétation du droit.

Sa mission est originale car les magistrats de cette cour sont juges du droit et non du fait : ils ne connaissent pas du fond des affaires.

Contrairement aux juges des tribunaux et cour d’appel (dits juges du fond), les conseillers des Cours suprêmes ne peuvent prendre en considération que les seuls faits qui ont été constatés par les premiers juges.

L’article 448 du code de procédure civile monégasque prend soin de préciser : « les faits dûment constatés par la décision objet du pourvoi, ne pourront être remis en question ».

Pourquoi cette distinction ? Parce que le fait, c’est l’événement, c’est le comportement humain, qui est propre à chaque cas tandis que le droit, c’est la norme juridique plus ou moins générale qui permet de juger ; Cette distinction entre le fait et le droit fait d’ailleurs partie de notre culture juridique ; Aristote l’utilisait déjà au livre I de sa rhétorique !

La rencontre du fait et du droit se réalise par l’opération de qualification juridique qui donne au fait constaté le vêtement juridique qui permet de le classer et de le juger. La Cour suprême a donc pour mission première d’interpréter et de contrôler la bonne application de la règle de droit.

Il en résulte que les juridictions suprêmes de l’ordre judiciaire ne sont pas un 3ème degré de juridiction.

Le Professeur Tunc écrivait très justement « Douteuse serait l’utilité d’une cour suprême qui aurait pour seule mission de statuer mieux que les cours d’appel. Sa raison d’être n’est pas là. Sa fonction essentielle ne peut être que de clarifier le droit et de le moderniser... Elle statue dans l’intérêt du droit -donc de tous les citoyens- plus que dans celui des plaideurs ».

Originale, une cour suprême de l’ordre judiciaire l’est encore du fait de son mode de saisine : le recours en cassation est un recours dit extraordinaire, ce qui signifie qu’il n’est ouvert que dans des cas limités qui procèdent toujours de l’idée d’une violation éventuelle de la loi.

C’est donc une voie d’annulation, ce qui est logique car si une violation de la loi est établie, la décision doit être anéantie et la cour renvoie alors l’examen de l’affaire devant les juges du fond chargés, à nouveau, de la rejuger. Il en résulte que les deux seules issues possibles devant les juridictions suprêmes sont le rejet du pourvoi ou la cassation de la décision.

Soulignons à cet égard une spécificité de l’organisation judiciaire monégasque : lorsque la Cour de révision casse une décision de la cour d’appel, dès lors qu’il n’existe qu’une cour d’appel, elle renvoie l’affaire devant elle-même, mais dans une autre composition qui rejugera cette fois en fait et en droit. La Cour de révision statue alors comme le ferait en France une cour d’appel de renvoi et se prononce par un arrêt qui n’ouvre cette fois, plus droit à recours[5] ; Ceci explique son titre : « Cour de révision ».

b) La mission d’une cour suprême dans un Etat de droit, c’est aussi de répondre aux besoins de sécurité, de fiabilité, de confiance des justiciables dans l’interprétation de la loi de leur pays.

C’est ce que certains appellent sa « fonction prétorienne » ;

Montesquieu[6] estimait que les juges de la Nation ne sont que « la bouche qui prononce les paroles de la loi, des êtres inanimés qui n’en peuvent modérer ni la force, ni la rigueur ».

Cette vision statique n’est plus du tout adaptée à l’évolution de nos sociétés modernes, à la pénétration du droit dans toutes les sphères de la vie sociale. Les tribunaux sont devenus le lieu où se concentrent les contradictions, les impasses, les souffrances de nos sociétés ce qui explique cette augmentation constante, souvent asphyxiante, de la demande de justice dans l’ensemble des systèmes judiciaires européens.

Dans ce contexte tourmenté, les Cours suprêmes se doivent d’être les garantes de la sécurité juridique par l’adoption de décisions claires, lisibles, accessibles et dont l’autorité s’impose.

Et, cette mission régulatrice est encore plus importante dans les pays où sévit une frénésie législative qui oblige les citoyens à sans cesse demander au juge le sens de la loi ! Pourtant, comme l’écrivait, avec sa clairvoyance habituelle, le Doyen Carbonnier « le législateur devrait bien consentir à ne se servir de sa sirène d’alarme qu’en présence d’un danger véritable », ne serait-ce, disait-il[7], que pour des raisons d’hygiène mentale !

Fort heureusement, la Principauté reste, à ce jour, me semble-t-il, à l’écart de cette funeste maladie qu’est la logorrhée législative !

Il est temps maintenant d’examiner par quels mécanismes, par quelle méthode, comment en un mot, la juridiction suprême parvient à exercer sa mission ?

c) Cette mission s’exerce par la voie du contrôle. C’est logique puisque les Cours suprêmes ont pour mission de vérifier « la conformité de la décision, objet du pourvoi, aux règles de droit[8] ».

Ces règles de droit s’entendent au sens le plus large : la loi bien entendu mais également les décrets, les principes généraux du droit, etc..

De quel contrôle s’agit-il ? Le mot même de contrôle ne figure dans aucun texte législatif ou réglementaire[9]. On le trouve en revanche dans les arrêts des Cours suprêmes lorsqu’il est mentionné que le prononcé de telle mesure « échappe au contrôle » de la Cour ou encore que « telle énonciation ne met pas la Cour en mesure d’exercer son contrôle ».

En pratique, ce contrôle fluctue en intensité et en périmètre avec pour conséquence que plus le contrôle est vaste, plus il y a de cassation (et par conséquent de pourvois), plus il est réduit, moins le pourvoi est alors utilisé.

Il serait fastidieux de faire ici un exposé juridique des techniques de cassation par lesquelles s’exercent ce contrôle, techniques qui relèvent parfois, il faut le reconnaître, d’un véritable casse-tête chinois.

Pour faire très simple, je vais seulement vous donner deux exemples concrets illustrant ce contrôle en précisant qu’on distingue traditionnellement deux types de contrôle : le contrôle dit normatif qui porte sur l’interprétation et l’application de la règle de droit et le contrôle disciplinaire lequel porte sur la forme ou la motivation des décisions.

Comme je vous l’ai dit, dès lors que les juges de cassation ne sont juges que du droit, ils n’exercent en principe aucun contrôle sur les faits qui sont souverainement appréciés par les juges du fond. Premier exemple : en matière de divorce, la loi impose que les griefs reprochés au conjoint soient constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérables le maintien de la vie commune. Ces griefs relèvent a priori de l’appréciation souveraine des juges du fond.

Toutefois, la cour exerce un contrôle dit « léger » sur la qualification juridique opérée par les premiers juges à partir des faits retenus.

Ainsi, si les juges du fond ont exigé pour accepter de prononcer le divorce qu’il y ait une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage, leur décision sera cassée puisque le texte n’exige pas le cumul des deux conditions ; la cour vérifie donc que la qualification juridique retenue est exacte.

Deuxième exemple : Cette fois, la cour exerce un contrôle dit « contrôle lourd » lorsqu’à partir des constatations de fait, les juges du fond retiennent une qualification juridique que la loi impose. C’est le cas en matière de responsabilité civile : la Cour contrôle alors si les juges du fond ont bien caractérisé tous les éléments de cette responsabilité, c’est-à-dire la faute, le dommage et le lien de causalité.

Ce que je souhaite vous faire bien comprendre, c’est que le fil directeur sur lequel repose le contrôle exercé par les Cours suprêmes repose sur cette distinction primordiale du fait et du droit.

Mais toutes ces missions traditionnelles de nos Cours suprêmes, notamment le mode de contrôle que je viens d’évoquer avec vous, sont, nous allons le voir, aujourd’hui menacées par la montée en puissance de la jurisprudence de la Cour européenne. Je vous invite donc maintenant à réfléchir avec moi, sur cette deuxième question.

2° - Les concepts juridiques fondamentaux du procès équitable, utilisés par la Cour européenne, ébranlent-ils l’avenir de nos Cours suprêmes de l’ordre judiciaire ?

Rappelons d’abord que la Cour européenne exerce un contrôle dit de « conventionalité » sur les arrêts rendus par les juridictions suprêmes nationales des pays ayant adhéré au Conseil de l’Europe. Elle vérifie si ces décisions sont bien conformes aux principes de la Convention européenne. Toutefois, ce contrôle s’opère dans le respect de la souveraineté des Etats (c’est le principe de subsidiarité).

Mais, à la différence de nos Cours suprêmes, la Cour européenne ne se borne pas à un simple contrôle de légalité ou disciplinaire de la décision déférée ; elle procède à l’analyse « in concreto » de l’intégralité du contenu de la décision, aussi bien en fait qu’en droit.

On constate donc une juxtaposition de deux méthodes de contrôle dont le périmètre est totalement différent, de deux logiques procédurales qui se téléscopent et placent les cours suprêmes dans une situation particulièrement inconfortable !

C’est ainsi que la Cour de cassation française a encouru la censure de la Cour de Strasbourg pour violation de la Convention, à la suite d’un examen par cette dernière de l’analyse des faits de la cause, analyse prohibée, nous l’avons vu, dans le cadre du contrôle limité opéré par la Cour de cassation.

J’évoquerai simplement, pour mieux faire comprendre cette problématique, une affaire assez célèbre : l’affaire Mennesson, (que j’ai personnellement bien connue car j’étais alors 1er avocat général à la Cour de cassation en charge de ce dossier). Il s’agissait de la délicate question de la gestation pour autrui, interdite en France. Or, les époux Mennesson ont eu recours à une mère porteuse à l’étranger et ont ensuite demandé à leur retour en France la transcription à l’état-civil français de l’acte de naissance des enfants issus de cette GPA, transcription qui leur a été refusée au regard de l’ordre public français.

La Cour européenne, par arrêt du 26 juin 2014, a condamné la France en retenant une violation de l’article 8 de la Convention européenne, au regard du droit des enfants au respect de leur vie privée. Elle a estimé que cet article garantissait à ces enfants le droit de chacun à établir la substance de son identité, y compris de sa filiation[10].

Alors que la Cour de cassation, dans sa mission traditionnelle, s’était attachée à vérifier que la règle de droit avait été correctement appliquée par les juridictions inférieures, la Cour européenne remet ici en cause les règles relatives aux modes de contrôle opérés par les Cours suprêmes, les plaçant à l’évidence en porte-à-faux.

Il faut donc s’interroger sur cette remise en cause des missions traditionnelles de nos Cours suprêmes. Est-il possible de trouver un mode de conciliation, un autre mode de contrôle ?

Deux pistes sont actuellement explorées et âprement discutées. La première piste est la suivante : Faut-il s’engager vers un contrôle de proportionnalité ?

Le contrôle de proportionnalité est une des armes de la stratégie judiciaire de la Cour de Strasbourg[11] qui lui offre une grande liberté d’appréciation. Ce principe a été constitutionnalisé par le Traité de Maastricht et repris par le Traité de Lisbonne.

En réalité, il s’agit de la méthode dite de « la balance des intérêts », de « la pesée des équilibres en présence », en cas de conflit entre des droits fondamentaux ou subjectifs[12].

Par exemple, un conflit entre la liberté d’expression et le droit au respect de la vie privée[13] avec le postulat de l’égalité des droits. Le juge doit désormais expliquer, de façon concrète, en quoi la recherche d’un juste équilibre justifie sa décision. Allant plus loin, il devrait écarter la règle de droit lorsqu’elle lui paraît, au cas d’espèce, porter une atteinte excessive à des intérêts privés susceptibles d’être garantis par un droit fondamental (c’est l’exemple de l’affaire Mennesson).

Ce contrôle de proportionnalité est séduisant dans la mesure où il fait vivre l’idée d’une conciliation équilibrée entre des droits et des intérêts différents mais il suppose naturellement une appréciation des faits.

Dès lors, va-t-il faire basculer le rôle des Cours suprêmes dans l’examen des faits ? Doivent-elles s’engager dans l’exercice du contrôle de proportionnalité comme le fait la Cour européenne ?

C’est dans cette voie que semble s’orienter la Cour de cassation française selon un arrêt rendu le 4 décembre 2013 ; Il s’agissait du remariage d’une ex-épouse avec son beau-père en méconnaissance de la prohibition édictée par l’article 161 du Code civil. Après le décès de son père, l’ex-mari a demandé aux juridictions du fond que soit prononcée la nullité du mariage. Le tribunal, puis la cour d’appel, appliquant la législation française, ont fait droit à sa demande. Mais, par un moyen relevé d’office, au visa de l’art 8 de la Convention européenne, la 1ère chambre de la Cour de cassation, a cassé l’arrêt de la cour d’appel au motif que « le prononcé de la nullité du mariage constituait une ingérence injustifiée du droit de l’épouse au respect de sa vie privée et familiale, dès lors que cette union, ... avait duré plus de 20 ans ». Les hauts magistrats se sont donc reconnus le pouvoir d’écarter la loi au motif que son application, au cas de l’espèce, serait trop dure pour l’épouse.

On constate ici le passage d’un strict contrôle de légalité à un contrôle de proportionnalité ; la Cour de cassation n’hésite pas à écarter l’application de la loi nationale en estimant que son application porterait atteinte de façon disproportionnée aux droits et libertés prévues par la Convention européenne.

Il s’agit d’un véritable bouleversement car, comme l’ont écrit certains commentateurs, « accepter d’écarter la loi au motif qu’elle emporterait « in concreto » des conséquences excessives, érige non seulement les faits contre le droit, l’intérêt individuel contre la règle générale, voire parfois le juge contre la loi... ».

L’impérativité de la règle n’apparaît plus uniforme. Elle semble céder le pas à une application au cas par cas, en fonction de la balance des intérêts.

Vous le voyez, l’irruption du contrôle européen de proportionnalité devant les juridictions suprêmes ébranle sérieusement leurs missions traditionnelles.

Et il faut avoir conscience de ce qu’en réalité, la Cour européenne remet en cause les principes fondateurs de notre système juridique en adoptant l’approche utilitariste de « la common law ».

Mais, allant plus loin encore, la Cour européenne va-t-elle imposer aux cours suprêmes un nouveau mode de rédaction de leurs décisions ? La question est d’actualité avec l’interrogation suivante :

Deuxième piste : Faut-il modifier la motivation des décisions de nos Cours suprêmes ?

A nouveau, cultures et traditions juridiques s’affrontent : il suffit de comparer les arrêts-fleuves de la Cour européenne, inspirés du modèle anglo-saxon, aux arrêts lapidaires des Cours suprêmes de droit continental pour prendre la mesure du gouffre qui sépare ces styles juridiques (Comme l’explique Christophe Jamin[14]). Là encore, nous sommes face à deux logiques différentes : la Cour européenne examine le litige dans sa totalité, elle rappelle les décisions précédentes concernant les mêmes problématiques ainsi que les motivations de ces décisions ; elle n’hésite pas à exposer les opinions dissidentes de certains de ses membres et, il est clair que l’étendue du contrôle de proportionnalité que je viens d’évoquer induit une motivation beaucoup plus prolixe.

A l’opposé, les Cours suprêmes issues du régime napoléonien -dont fait partie la Cour de révision- sont adeptes d’un style cartésien, concis et ferme. Procédant par syllogisme, fruit d’une longue tradition, elles se contentent de rappeler les principes généraux sur lesquels elles fondent leurs décisions tout en s’attachant à un niveau relativement élevé d’abstraction afin d’adopter une solution plus facilement généralisable et une unification plus efficace du droit.

Particulièrement laconiques, dégagées du fait, elles considèrent qu’elles n’ont pas vocation à s’étendre dans la motivation de leurs sentences qui s’imposent d’elles-mêmes.

Là encore, les concepts juridiques fondamentaux de la Cour européenne et notamment le contrôle de proportionnalité viennent heurter de plein fouet le mode de raisonnement et la sobriété rédactionnelle adoptée par les Cours suprêmes. Le Professeur Croze[15] illustre de façon amusante ces antagonismes : « Il y a, nous dit-il, entre la motivation à la française et la motivation à l’anglaise (qui inspire les juridictions internationales et européennes) autant de différences qu’entre un jardin à la française et un parc anglais » et, prenant partie, il conclut « il n’est pas prouvé qu’en étant plus long, on soit plus clair... ».

Comme souvent, c’est sans doute, vers la voie médiane qu’il conviendra de s’engager, en recherchant une motivation parfois enrichie pour en faciliter la lisibilité et bien sûr, aussi, pour échapper aux foudres de la Cour européenne.

D’ailleurs, l’écriture même de l’arrêt n’est pas le seul moyen d’en rendre le message intelligible[16]. Pourquoi, par exemple, ne pas rendre public le rapport préparatoire du conseiller en charge du dossier, rapport qui, de façon assez similaire aux développements des arrêts de la Cour européenne, expose toutes les questions juridiques de l’espèce ainsi que les solutions envisageables au regard de la jurisprudence et de la doctrine ?

Mais en définitive, dès lors que notre rôle primordial reste celui de gardien de la bonne application de la loi, tout milite, me
semble-t-il, pour que nous conservions notre manière de nous exprimer, par des décisions concises, dans le cadre de la méthode syllogistique qui implique rigueur et logique.

Quant à l’intelligibilité des décisions, il ne faut pas s’illusionner : le mythe du droit accessible à tous reste et restera toujours un mythe.

Dans ces conditions, il ne m’apparaît pas opportun de calquer la motivation de nos arrêts sur celle des juridictions européennes.

A une époque où la civilisation judéo-chrétienne est battue en brèche, il serait regrettable d’abandonner nos modes de pensée et de raisonner qui sont parties intégrantes de notre civilisation.

Le courageux combat des droits de l’homme ne doit pas gommer les particularismes culturels.

Conclusion

Il est grand temps de conclure, d’autant que je viens de vanter les mérites de la concision ! Terminons sur une note optimiste.

Si bon nombre de Cours suprêmes de l’ordre judiciaire se sentent actuellement menacées dans leur rôle de gardien de la loi et d’interprète du droit sur leur territoire national, la Cour de Révision de la Principauté reste heureusement, en grande partie, à l’écart de ces remises en cause.

Pourquoi ? Tout d’abord, parce que la justice monégasque a pu rester une justice à taille humaine. Elle parvient à répondre dans des délais raisonnables aux demandes des justiciables. Dès lors, la question du filtrage des modes d’accès aux Cours suprêmes, question vitale pour la survie des certaines hautes juridictions voisines, par bonheur, ne se pose pas en Principauté.

En second lieu, la question de l’unification du droit est largement facilitée du fait de l’existence d’une seule et unique cour d’appel, dont je tiens à saluer le haut niveau juridique ainsi que la qualité des décisions rendues, sous la présidence toujours vigilante et bienveillante de sa Première Présidente.

Enfin, la spécificité de la Cour de révision qui, lorsqu’elle casse une décision des juges du fond, renvoie l’affaire devant elle-même, dans une autre composition, permet aux hauts magistrats qui la composent, de rester en prise directe avec les réalités concrètes du terrain, de mieux saisir les enjeux judiciaires locaux auxquels sont quotidiennement confrontés les juges du fond, évitant ainsi tout risque de distanciation.

Merci, Mme la Première Présidente de m’avoir offert l’opportunité de m’exprimer au nom de la Cour de Révision à l’occasion de cette belle audience solennelle.

Merci également à M. le Directeur des Services judiciaires pour l’écoute toujours attentive et efficace qu’il prodigue à notre Cour.

Merci enfin, Monseigneur, de l’honneur que Vous faites à la Cour de révision de par Votre présence ».

 

Au terme de ce discours, Mme le Premier Président de la Cour d’Appel reprenait la parole :

« Madame, permettez-moi de vous présenter au nom de tout l’auditoire nos plus vifs compliments pour la qualité et la finesse de votre brillante intervention.

Votre analyse, minutieuse et passionnante, démontre combien est important le rôle régulateur des Cours suprêmes de l’ordre judiciaire et permet également de comprendre comment leur mission, dynamique et non statique et leur constante adaptation aux défis contemporains en font désormais des gardiens de la loi mais aussi des droits et libertés.

Permettez-moi enfin, Madame le Vice-Président, de vous dire combien mes collègues de la Cour d’appel et moi-même sommes particulièrement sensibles aux éloges encourageants concernant nos décisions de justice.

Nous relirons régulièrement cette année vos propos lorsque la difficulté ou le poids des dossiers feront ployer notre moral de juges ou lorsque, car cela arrive, des décisions de cassation seront rendues par notre Cour suprême.

Il nous faut désormais brièvement évoquer les activités et projets entrepris cette année au sein de notre institution.

Au mois d’avril 2016, Son Excellence Monsieur le Directeur des Services Judiciaires, accompagné d’une délégation composée de représentants de sa direction et de magistrats s’est rendu à la « Conférence de Haut Niveau » des ministres de la justice et des représentants de l’ordre judiciaire organisée par le Conseil de l’Europe en Bulgarie.

Un projet de plan d’action pour renforcer l’indépendance et l’impartialité des pouvoirs judiciaires y a été adopté et nous avons tiré de très nombreux enseignements des riches débats qui y ont été conduits.

Le premier enseignement, qui ne se veut pas un message d’autosatisfaction, c’est que Notre petit État dispose déjà incontestablement du socle juridique permettant une résolution juste et équitable des différends et garantissant l’accès à des tribunaux indépendants et impartiaux chaque fois que des droits ou obligations de caractère civil sont en jeu ou qu’il faut décider du bien-fondé d’accusations en matière pénale.

Il ne s’agit donc pas pour nous de créer de nouvelles normes - les bases constitutionnelles et législatives sont là - mais davantage de continuer à mettre en œuvre ce qui existe, de veiller au respect de nos textes et surtout de restaurer, quand elle est défaillante, la confiance envers notre système judiciaire : c’est bien là l’indicateur fondamental de l’État de droit.

Nous avons été sensibles au conseil donné par Monsieur Philippe Boillat, Directeur Général des Droits de l’Homme au sein du Conseil de l’Europe : « Il est indispensable que tous les magistrats intériorisent les valeurs et les composantes des libertés et des droits fondamentaux ».

Au-delà des normes, c’est donc bien l’indépendance interne et individuelle de chacun d’entre nous qui revêt, de très loin, le plus d’importance. Le Directeur Général des Droits de l’Homme évoque à ce sujet un état d’esprit, un « state of mind » qu’il nous faut parfois modifier, pour n’être soumis à rien d’autre qu’aux textes de loi et ne subir aucune pression, même pas la nôtre, quand les dossiers sont particulièrement médiatisés : la crainte de déplaire peut être également une menace sérieuse qui peut faire perdre à un juge son libre arbitre.

Il appartient donc à chaque magistrat de mériter sa propre indépendance, c’est là le premier enseignement de cette conférence.

La confiance se mérite également. Aucun État de droit digne de ce nom ne peut se permettre de perdre la confiance de ses concitoyens envers son système judiciaire. L’exemple de nombreux pays membres nous a permis de réaliser que l’opacité est le premier vecteur de ce déficit de confiance. Souvent involontaire, ce défaut de transparence peut être la résultante de traditions séculaires, la justice représentant historiquement une intervention sacralisée, presque d’essence divine, ne devant absolument pas livrer tous ses secrets.

Éthique et transparence sont pourtant indissociables de la confiance. Voilà le deuxième enseignement de cette conférence.

Pour répondre à la première de ces exigences, une réflexion vient d’être lancée au sein de notre Institution.

Un arrêté du Directeur des Services Judiciaires en date du 12 juillet 2013 énonce déjà de nombreuses mesures destinées à renforcer la confiance des justiciables dans l’intégrité, l’impartialité et l’efficacité des agents des services judiciaires mais le Haut Conseil de la Magistrature, sous l’impulsion de Son Président Monsieur Philippe Narmino, tenant compte des objectifs fixés par le Conseil de l’Europe, a cette année estimé indispensable d’aller au-delà, en rassemblant dans un même document les règles d’éthique et de déontologie judiciaire.

Une étude est actuellement en cours, les magistrats de l’ordre judiciaire, récemment consultés par le Président du Haut Conseil de la Magistrature, devant se réunir prochainement dans le cadre d’une assemblée générale pour définir les modalités d’élaboration d’un tel code.

La seconde exigence est une évidence et presque une tautologie : avoir confiance, c’est-à-dire foi en une personne ou une institution comme la Justice, c’est nécessairement la connaître et avoir accès à l’information la plus complète la concernant.

L’exemple du système judiciaire espagnol - mais ce n’est pas le seul - est révélateur de la volonté de ce pays membre du Conseil de l’Europe de favoriser l’accès en ligne à la justice pour tous : publication des textes applicables bien entendu, mais également des jurisprudences et des interprétations doctrinales.

Il nous apparaît absolument indispensable d’avancer dans une même direction en Principauté de Monaco et de donner à tous les professionnels du droit, mais aussi à nos concitoyens, et sans restriction aucune, tous les éléments utiles d’information sur le droit en vigueur, mais aussi sur les décisions rendues par l’ensemble de nos juridictions.

Nous savons que cette préoccupation est largement partagée et que le Gouvernement monégasque a lui-même accepté de transformer en projet de loi une récente proposition de loi relative à la publication des décisions de justice.

Poursuivant le même objectif, certains magistrats de l’ordre judiciaire ont, cette année, modestement tenté de contribuer à ce nécessaire devoir d’information, d’une autre manière, en débutant un travail d’annotation de certains codes.

Découvrir immédiatement la jurisprudence qui correspond à un texte de loi nous apparaît en effet tout aussi fondamental que l’accès à la norme juridique proprement dite.

L’idée n’est pas nouvelle et je tiens aujourd’hui à rendre un bref hommage à l’un de nos anciens collègues, magistrat français détaché il y a quelques années en Principauté et élevé à la dignité de Chevalier de l’Ordre de Saint-Charles par S.A.S. le Prince Souverain, il s’agit de Monsieur Gérard Launois qui nous a mis sur cette voie en débutant un tel travail de compilation et d’annotation.

Avec le soutien encourageant du Directeur des Services Judiciaires qui suit nos travaux, les magistrats de la Cour d’appel et moi-même avons repris au mois de janvier 2016 ce projet, en commençant à recenser puis à sélectionner en les annotant les décisions de jurisprudence les plus significatives de ces dernières années sous de nombreux articles du Code civil.

Concomitamment, et nous l’ignorions - ce qui prouve bien que sans aucune concertation, tous nos regards se dirigent dans la même direction - un haut magistrat de la Cour de Révision, en la personne de son Vice-Président et éminent professeur de droit, Monsieur Jean-François Renucci s’orientait dans une même voie en débutant l’annotation des deux Codes de procédure civile et pénale.

Nos propres travaux sont toujours en cours mais il est désormais acquis, avec l’accord de Madame le Président du Tribunal de Première Instance, que les magistrats de sa juridiction poursuivront également cette mission à nos côtés en annotant d’autres codes, et lois spéciales.

Tous les magistrats de la Principauté souhaitent ainsi vivement pouvoir, avec leurs moyens, participer à la diffusion la plus complète de l’information et améliorer la confiance de tous envers la Justice monégasque. Je rends à tous mes collègues un hommage ému pour leur dévouement.

Au-delà des idées et des projets, notre institution a connu une activité assez dense au cours de l’année écoulée.

S’agissant des greffes, une fois la phase de formation achevée, il a été possible de mettre en place en 2016, et pour la première fois, un plan partiel de mobilité destiné à susciter un regain de motivation et à assurer la pleine polyvalence du corps des greffiers.

Je remercie publiquement Madame le Greffier en Chef et ses deux adjoints pour la qualité du travail accompli au cours des derniers mois dans des conditions une fois de plus difficiles résultant de nombreux congés de maternité et de maladie. La présence dans chaque service de secrétaires très expérimentées et dont le sens du service public mérite d’être souligné a également favorisé la qualité des décisions et la parfaite continuité du service rendu.

Je dois également me tourner vers mes collègues, du Parquet Général mais aussi du Tribunal de Première Instance, les féliciter chaleureusement au nom de l’institution judiciaire pour leur travail assidu au cours de l’année 2015-2016 alors même qu’ils ont été ponctuellement confrontés à des problèmes de sous-effectifs et les remercier tous pour leur coopération si efficiente à la tâche commune.

Notre compagnie judiciaire ne se limitant bien sûr pas aux greffes et aux magistrats, il nous faut également souligner le travail de nos trois huissiers de justice qui, dans l’exercice difficile et délicat de leur ministère, ont concouru activement à la mise en œuvre et à l’exécution des décisions de justice et à nos administrateurs et syndics qui, à l’occasion de procédures complexes, on fait diligence et éclairé utilement les juges-commissaires et le Tribunal.

Quant à Mesdames et Messieurs les notaires, l’absence de contentieux afférents à leurs actes montre le souci qu’ils mettent à la perfection de leur rédaction et atteste de la haute conception qu’ils se font de leur mission.

Monsieur le Bâtonnier, Mesdames et Messieurs les avocats défenseur, avocat et avocat stagiaire, nous ne pouvons enfin que nous féliciter des relations étroites et fréquentes que nous ne cessons d’entretenir et du climat d’aménité et de confiance réciproque dans lequel évoluent magistrats et avocats.

Madame l’assistante sociale chef mérite également mes éloges pour ses excellentes initiatives dans l’accomplissement de ses multiples missions notamment d’enquête, dans des contentieux familiaux particulièrement sensibles.

Il est enfin impossible d’oublier l’extrême disponibilité et l’ingéniosité de nos huissiers et appariteurs toujours prêts à alléger nos sujétions matérielles avec courtoisie et gentillesse et qui rendent inégalables nos conditions de travail.

Dans la mesure où il est rendu compte de l’activité des juridictions dans les petites plaquettes qui vous sont distribuées chaque année, je vais me contenter de ne citer que les chiffres les plus significatifs afférents à l’activité civile des juridictions de l’ordre judiciaire avant même que Monsieur le Procureur Général n’évoque, dans quelques instants, l’activité pénale.

Le Juge de Paix a cette année rendu, toutes activités confondues, 68 jugements dont 7 en matière civile et 554 ordonnances.

Le bureau de conciliation du Tribunal du Travail a examiné cette année 109 procédures alors que 209 décisions ont été rendues par le bureau de jugement.

Le Tribunal de Première Instance a quant à lui rendu au total 1270 décisions civiles : 676 jugements civils, 107 ordonnances de référé et 293 ordonnances du juge tutélaire en matière civile. Il faut noter l’excellent taux correspondant à la durée moyenne du délibéré exprimé en mois, qui s’élève à 1,24.

La Cour d’appel a rendu cette année publiquement en matière civile 230 arrêts, tandis que la Chambre du Conseil de la Cour a rendu 150 arrêts, dont 79 en matière civile. Il est significatif de relever que le nombre d’affaires civiles pendantes à la Cour se limite désormais à 76 affaires outre 50 dossiers liés relatif à un même contentieux en matière sociale, soit 126 dossiers, le taux moyen de traitement des affaires exprimé en mois ayant été réduit cette année de 11,05 à 9,83.

La Cour de Révision a rendu cette année 72 arrêts dont 60 en matière civile. La durée moyenne de traitement des dossiers exprimée en mois est remarquable puisqu’elle s’est élevée à 11,08 en session et à 8,40 hors session.

Sur ces quelques réflexions et observations, je cède désormais la parole à Monsieur le Procureur Général ».

M. le Procureur Général Jacques Doremieux s’exprimait en ces termes :

« Monseigneur,

Votre présence parmi nous aujourd’hui constitue un honneur et un soutien pour nos juridictions qui accomplissent leur mission pour le bien commun.

Elle montre également l’intérêt que Vous portez à tous ceux qui participent à l’œuvre de justice : magistrats, fonctionnaires, avocats, notaires et huissiers. Ils constituent tous cette famille judiciaire qui se réjouit de Votre présence.

Mesdames et Messieurs les hautes autorités administratives, judiciaires, militaires et religieuses monégasques ou étrangères, vous comprendrez aisément que je ne vous cite pas tous individuellement pour ne pas trop faire durer mon propos, m’associant aux remerciements et aux propos de bienvenue de Mme le Premier Président.

La rentrée judiciaire constitue toujours un moment important de la vie de nos juridictions. En effet, au-delà du rite, il s’agit pour le Premier Président comme pour le ministère public de tirer le bilan de l’année écoulée et de réfléchir sur l’avenir car la vie judiciaire se montre constamment en mouvement.

L’année judicaire écoulée traduit une nouvelle baisse du nombre d’affaires pénales enregistrées. Je n’entrerai pas dans le détail des chiffres qui figurent dans les brochures qui vous sont remises. On observe ainsi une diminution sur ces deux dernières années de 18 % du nombre des procédures enregistrées. Cette baisse illustre l’excellent travail de toute notre « chaîne pénale » :

- policiers de la Sûreté,

- magistrats du parquet,

- juges d’instruction, et

- tribunal correctionnel,

qui contribuent tous dans le domaine respectif de leurs attributions à cette réponse pénale adaptée et efficace. Toutefois, il faut bien être conscient que cette baisse ne pourra pas toujours durer : je ne sais si cette année nous avons ou pas atteint un point bas. Il faut se préparer à un moment ou à un autre à un retournement qui ne signifiera pas pour autant que la qualité du travail fourni s’en trouvera diminuée pour autant.

Quelques chiffres apparaissent malgré tout préoccupants : on observe une augmentation des violences et des conduites en état alcoolique. Il me semble nécessaire de mener une réflexion commune avec le Département de l’Intérieur et la Sûreté Publique sur les établissements de nuit qui servent de l’alcool à des personnes déjà en état d’ébriété. Selon moi, beaucoup trop d’affaires de violences et de conduite en état alcoolique se déroulent à la sortie de ces établissements.

L’autre réflexion que je peux faire a trait à la délinquance financière : elle reste comme vous pouvez le voir à un niveau élevé en Principauté. Elle constitue 37 % du total des procédures enregistrées et 41 % des Commissions rogatoires internationales que nous exécutons porte notamment sur des affaires de blanchiment. Cela m’a conduit notamment à spécialiser un des magistrats du parquet sur ces contentieux qui nécessitent un investissement particulier en raison de leur forte technicité et de leur dimension internationale. Je sais également que la sûreté publique a renforcé ses effectifs dans sa section financière. L’efficacité de la lutte contre la délinquance financière constitue un des « marqueurs » regardé avec attention dans le cadre des évaluations que mènent les instances internationales comme le GRECO et MONEYVAL. Je n’oublie pas non plus, Monseigneur, qu’il s’agit d’une des priorités que Vous avez fixée pour la Principauté lors de Votre accession au trône.

Parlons maintenant rapidement de l’avenir ! Commençons par la réorganisation du parquet général. Son Altesse Sérénissime a bien voulu accepter la création d’un 5ème poste de magistrat du parquet qui lui permet de réorienter en partie son action vers de partenariats avec les différentes administrations ou institutions qui se voient désigner un interlocuteur unique au sein du parquet pour toutes les questions relevant de leurs compétences. Ces partenariats visent également à rendre plus lisibles l’action de nos juridictions et à prendre en compte plus directement les préoccupations des administrations et institutions partenaires. Madame le Président du tribunal de première instance a bien voulu accepter que les magistrats du siège s’associent à cette démarche.

Il s’y ajoute des chantiers qui impliquent une véritable réflexion et des actions de fond à mener. J’en citerai deux :

- la prévention des entreprises en difficulté et

- la réforme du casier judicaire.

Chaque magistrat du parquet concerné a reçu une lettre de mission détaillant les objectifs à atteindre et un calendrier à suivre.

L’année dernière, je vous avais parlé de la nécessité de mener une réflexion sur l’audition libre. Elle aboutit à une expérimentation sur toute l’année judiciaire à venir. Il convient ainsi de donner un cadre juridique moins contraignant que celui de la garde à vue pour les enquêteurs comme pour les personnes mises en cause qui sont libres à tout moment de quitter les locaux de la Sûreté Publique. Cette mesure emporte l’avantage pour le mis en cause de ne pas être stigmatisé comme peut l’être une personne gardée à vue.

Le cadre juridique de cette expérimentation a fait l’objet de discussions avec les différents acteurs judiciaires concernés, notamment les policiers de la Sûreté Publique et les avocats. Il constitue donc un compromis entre les souhaits des uns et des autres qui a été validé par son Excellence Monsieur le Directeur des Services Judiciaires. Cette expérimentation fera l’objet d’une première évaluation courant mars 2017 pour faire évoluer ce dispositif s’il y a lieu.

Un mot maintenant pour remercier Mme le Vice-président de la cour de révision de son exposé sur l’avenir incertain des cours suprêmes de l’ordre judiciaire.

Je connaissais certains des enjeux auxquels elles étaient exposés mais j’ai maintenant une certitude, notre cour de révision n’est pas menacée. Nous voilà rassurés.  

Il me reste maintenant à revenir au rite judiciaire en vue de la clôture de l’année judiciaire.

Madame le Premier Président,

Madame et Messieurs les Conseillers,

Au nom de Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain, j’ai l’honneur de requérir qu’il plaise à la Cour :

- déclarer close l’année judiciaire 2015-2016 et ouverte l’année judiciaire 2016-2017,

- ordonner la reprise des travaux judiciaires,

- constater qu’il a été satisfait aux prescriptions des articles 46 et 47 de la loi du 24 juin 2013 relative à l’administration et à l’organisation judiciaires,

- me donner acte de mes réquisitions,

- et dire que du tout il sera dressé procès-verbal sur le registre des actes de la Cour d’appel ».

Mme le Premier Président prononçait alors la clôture de l’audience solennelle :

« La Cour, faisant droit aux réquisitions de Monsieur le Procureur Général,

Déclare close l’année judiciaire 2015-2016 et ouverte l’année judiciaire 2016-2017,

Ordonne la reprise intégrale des travaux de la Cour d’appel et des Tribunaux,

Constate qu’il a été satisfait aux prescriptions des articles 46 et 47 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l’administration et à l’organisation judiciaires,

Dit que du tout il sera dressé procès-verbal pour être consigné sur le registre des actes importants de la Cour d’appel.

Avant de lever cette audience, je tiens à remercier Votre Altesse Sérénissime ainsi que toutes les hautes autorités et personnalités qui ont bien voulu assister à cette cérémonie et les convie, à l’invitation de Monsieur le Ministre Plénipotentiaire, Directeur des Services Judiciaires, à se rendre dans la salle des pas perdus de la Cour d’appel pour la réception qui va suivre.

L’audience solennelle est levée ».

 

De nombreuses personnalités avaient tenu à assister à cette audience solennelle, aux premiers rangs desquelles on notait, outre les personnalités déjà citées venues de France :

S.E. M. Serge Telle, Ministre d’Etat,

S.E. Monseigneur Bernard Barsi, Archevêque de Monaco,

M. Christophe Steiner, Président du Conseil National,

M. Michel-Yves Mourou, Président du Conseil de la Couronne,

S.E. M. Philippe Narmino, Directeur des Services Judiciaires, Président du Conseil d’Etat,

M. Jacques Boisson, Secrétaire d’Etat,

M. Georges Lisimachio, Chef du Cabinet de S.A.S. le Prince,

M. le Lieutenant Colonel Laurent Soler, Chambellan de S.A.S. le Prince,

M. le Colonel Luc Fringant, Premier Aide de camp de S.A.S. le Prince, Commandant Supérieur de la Force Publique,

M. Patrice Cellario, Conseiller de Gouvernement-Ministre de l’Intérieur,

M. Jean Castellini, Conseiller de Gouvernement-Ministre des Finances et de l’Economie,

M. Stéphane Valéri, Conseiller de Gouvernement-Ministre des Affaires Sociales et de la Santé,

Mme Marie-Pierre Gramaglia, Conseiller de Gouvernement- Ministre de l’Equipement, de l’Environnement et de l’Urbanisme,

S.E. Mme Marine de Carne de Trecesson de Coetlogon, Ambassadeur de France à Monaco,

S.E. M. Cristiano Gallo, Ambassadeur d’Italie à Monaco,

M. Georges Marsan, Maire de Monaco,

Mme Anne-Marie Boisbouvier, Conseiller au Cabinet de S.A.S. le Prince,

M. Didier Linotte, Président du Tribunal Suprême,

M. Jean-François Landwerlin, Vice-Président du Conseil d’Etat,

M. Robert Cordas, Premier Président honoraire de la Cour d’Appel,

Mme Laurence Flise, Présidente de la 2ème Chambre civile de la Cour de Cassation, représentant M. Bertrand Louvel, Premier Président de la Cour de Cassation de Paris,

M. Laurent Le Mesle, Premier Avocat général doyen de la Cour de Cassation, représentant M. Jean-Claude Marin, Procureur Général de la Cour de Cassation de Paris,

M. Robert Colle, Secrétaire Général du Gouvernement,

M. Marc Burini, Vice-Président du Conseil National,

M. Alain Sangiorgio, Secrétaire Général honoraire de la Direction des Services Judiciaires, Membre du Conseil de la Couronne,

M. Jean-François Cullieyrier, Consul Général honoraire de Côte d’Ivoire, Membre du Conseil de la Couronne,

M. André Garino, Président du Conseil Economique et Social,

M. José Savoye, membre titulaire du Tribunal Suprême,

Me Paul-Louis Aureglia, Notaire honoraire, membre titulaire du Haut Conseil de la Magistrature,

M. Pierre Julien, Professeur agrégé des Facultés de Droit, membre suppléant du Haut Conseil de la Magistrature,

M. Jean-Charles Sacotte, Conseiller d’Etat,

M. Jean-Marie Rainaud, Conseiller d’Etat,

M. Alain François, Conseiller d’Etat,

M. Antoine Dinkel, Conseiller d’Etat,

M. Charles Badi, Conseiller honoraire à la Cour de Révision,

M. Christian Vallar, Doyen de la Faculté de droit de Nice,

Mme Anne Eastwood, Haut Commissaire à la protection des Droits, des Libertés et à la Médiation,

M. Christophe Prat, Directeur Général du Département de l’Intérieur,

Mme Corinne Laforest de Minotty, Chef de l’Inspection Générale de l’Administration,

M. Tony Varo, Lieutenant Colonel de la Compagnie des Sapeurs-pompiers,

Mme Valérie Viora-Puyo, Directeur des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique,

M. Richard Marangoni, Directeur de la Sûreté Publique,

M. Rémy Rolland, Administrateur des Domaines,

M. Alexandre Bordero, Directeur de l’Action Sanitaire,

Mme Séverine Canis-Froidefond, Directeur de la Prospective, de l’Urbanisme et de la Mobilité,

M. Gérard Dubes, Premier Substitut honoraire,

Mme Geneviève Berti, Directeur de la Communication,

Mme Emmanuelle Nardo, Chef de Service des Affaires Contentieuses à la Direction des Affaires Juridiques,

M. Thomas Fouilleron, Directeur des Archives et de la bibliothèque du Palais,

Mme Marie-Pascale Boisson, Directeur du S.I.C.C.F.I.N,

Mme Martine Provence, Secrétaire Général de la Direction des Services Judiciaires,

Mme Marina Ceyssac, Conseiller auprès du Directeur des Services Judiciaires,

M. Christian Ollier, Chef du service du Contrôle des Jeux,

M. Jean-Yves Gambarini, Directeur de la Maison d’Arrêt,

M. Olivier Richaud, Directeur-adjoint de la Maison d’Arrêt,

M. Christophe Haget, Commissaire Principal, Chef de la Division de Police Judiciaire,

M. Laurent Braulio, Commissaire, Chef de la Division de Police Urbaine,

M. Régis Bastide, Commissaire, Chef de la Division de l’Administration et de la Formation,

M. Rémy Le Juste, Commissaire, Chef de la Division de Police Administrative,

M. Guy Magnan, Président de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives,

M. Jacques Wolzok, Président du Tribunal du Travail,

M. Karim Tabchiche, Vice-Président du Tribunal du Travail,

M. Antoine Montecucco, Greffier en Chef honoraire,

M. Jean-Paul Samba, Président de l’Ordre des Experts comptables,

Me Henry Rey, Notaire, Membre du Conseil de la Couronne,

Mme le Bâtonnier Marie-Christine Mouchan, représentant Me Jacques Randon, Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Nice,

Me Jean-Marc Farneti, Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Grasse,

Mme Catherine Catanese, Secrétaire du Tribunal du Travail,

Mme Antonella Sampo-Couma, Administrateur principal à la Direction des Services Judiciaires,

Mme Corinne Querci, Assistante Sociale à la Direction des Services Judiciaires,

M. Christian Boisson, Administrateur judiciaire et syndic,

Mme Bettina Ragazzoni, Administrateur judiciaire et syndic,

M. Jean Billon, Administrateur judiciaire,

M. Jacques Orecchia, Administrateur judiciaire,

M. Paul Rouanet, Administrateur judiciaire,

Mme Corinne Mekies, Administrateur judiciaire.

 

[1] Art. 2 de la Constitution

 

[2] Art. 5 et 88 de la Constitution

 

[3] L’idée de justice, Flammarion

 

[4] Annales de l’Université de Poitiers, 1949-Extraits

 

[5] cf. Revue de droit monégasque n° 1 p. 17, Spécificités du droit monégasque par Norbert François.

 

[6] L’Esprit des lois, livre XI, ch. 6.

 

[7] Etudes de psychologie juridique, Jean Carbonnier, La Semaine juridique n° 51, 14 décembre 2015.

 

[8] Art. 604 du CPC français.

 

[9] Contrôle et arrêts de la Cour de Cassation par A. Perdriau, Doyen honoraire de la Cour de Cassation, JCL

 

[10] CEDH 26 juin 2014 Menneson C/France n° 65192/11.

 

[11] La pratique judiciaire interne de la Cour européenne, Marina Etudes, Ed A Pérone, 2005.

 

[12] E. Jeuland, une approche non utilitariste du contrôle de proportionnalité, la semaine juridique, 11 janvier 2016, supplément.

 

[13] Semaine juridique, 11 janvier 2016, Loïc Cadiet, p. 13.

 

[14] RTDCiv avril-juin 2015, p. 266 et s

 

[15] H. Croze Mélanges en l’honneur de Ph. Malaurie, defrénois 2005, p. 181 et s

 

[16] D. de Béchillon, observations sur la motivation des arrêts, la Semaine juridique n° 12 p. 35, 11 janvier 2016

 

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